Treize histoires ébouriffantes

Visiteur, visiteuse, noble pousse de séquoia, mes salutations,

2021 se poursuit sur l’auspice des belles histoires. Voici treize lectures qui m’ont enchantée depuis le début de cette année !

La Baleine blanche des Mers Mortes – Aurélie Wellenstein au scénario, Olivier Boiscommun à l’illustration

J’ai le très grand plaisir d’entamer cet article en vous parlant d’une bande dessinée qui sort aujourd’hui en librairie ; une sortie qui me tient tout particulièrement à cœur, car j’ai eu le plaisir de bêta-lire le scénario de la Baleine et de suivre en coulisses les différentes étapes de la réalisation de ce projet. La Baleine blanche des Mers Mortes se déroule dans l’univers du roman Mers Mortes d’Aurélie. En deux mots : dans un monde asséché et dévasté, les océans reviennent sous la forme de mers fantômes, charriant dans leur sillage les spectres vengeurs des animaux marins. On retrouve dans la BD le personnage central de Bengale avant les événements du roman, l’occasion d’une plongée dans la psyché et le passé trouble de cet homme aussi inquiétant que charismatique. Dans un Paris post-apocalyptique, somptueusement représenté par Olivier Boiscommun, Bengale fait la rencontre de Chrysaora, une jeune femme protégée par les méduses fantômes (un personnage auquel je porte une grande tendresse). Ils vont être recueillis par une communauté de survivants réfugiés dans l’Opéra Garnier et qui sont prêts à tout pour récupérer l’âme de l’un des leurs avalée par le spectre d’une Baleine blanche.

Une histoire puissante, engagée, qui nous plonge dans le monde marin, la beauté et la souffrance animale, comme dans les ressorts de l’esprit humain… L’animal, sacré, divin, monstrueux est au centre d’une réflexion plus large. On s’interroge, on s’inquiète, on s’émeut… On s’émerveille des illustrations et du travail de colorisation époustouflant d’Olivier. Les scènes impactantes se succèdent, l’horreur se mêle de poésie, la violence de ce monde où chacun cherche la survie (ou bien la rédemption) se mêle d’éclats de tendresse. Parution aujourd’hui aux éditions Drakoo. Foncez !

Comme par magie d’Elizabeth Gilbert

Ce petit livre m’a été offert par ma chère Lysiane, une amie musicienne avec qui j’ai la joie de collaborer sur des projets communs dont je vous parlerai ultérieurement. Ce fut une lecture merveilleuse, inspirante, optimiste, libératrice ! Je la recommande chaudement à tous les créateurs et créatrices… donc potentiellement à tout le monde ! Dans Comme par magie, Elizabeth Gilbert nous parle de créativité, elle témoigne de sa vie créative, des méthodes et surtout de l’attitude qu’elle a choisi d’adopter vis-à-vis de sa créativité (lâcher-prise, gratitude, souplesse, enchantement, détermination, travail), le tout jonché d’anecdotes humoristiques et d’une passion communicative : je relirai sans aucun doute ce livre dès que j’aurai des doutes ou le besoin de renouer avec ma propre créativité.

Les dames à la licorne de René Barjavel et Olenka De Veer

Un ouvrage que j’ai récupéré dans ma bibliothèque depuis quelques années, il était temps que je m’y plonge. Ce récit se déroule sur les terres d’Irlande à la fin du XIXe siècle. On y suit la destinée de cinq sœurs aux tempéraments profondément différents qui vivent isolées sur une île. J’ai apprécié la patte de la narration qui fait la part belle à la nature irlandaise et aux personnalités de nos héroïnes, ainsi que le style d’une poésie et d’une belle sensualité qui nous escorte dans les vies de ces cinq jeunes femmes. Liberté, amour, révérence, famille, liberté encore et surtout, bercé par un fond légendaire où le sang des licornes promet le fabuleux dans le quotidien.

Le grimoire d’Elfie – Alwett, Arleston, Mini Ludvin, Lenoble

Le premier tome d’une adorable bande-dessinée parue également aux éditions Drakoo. On y suit (là aussi, décidément^^) l’histoire de trois sœurs qui ont récemment perdu leur mère. L’aînée, dix-huit ans à peine, fait l’acquisition d’une librairie ambulante et entraîne ses deux cadettes sur les routes à la recherche d’une nouvelle vie ensemble. Chacune des trois sœurs a une personnalité très bien ficelée et attachante. Les dessins et les couleurs sont d’une douceur enivrante, et le personnage d’Elfie, la benjamine du trio, pose un regard sur le monde frais et touchant. Tout cela cuisiné avec une belle dose d’humour et de magie, comme on pouvait s’y attendre avec le duo Alwett/Arleston au scénario.

Les Contemplations de Victor Hugo en livre audio !

Cette année, j’ai voulu expérimenter les livres audios. J’ai écouté Dune, Clémentine Beauvais… et de la poésie : j’ai découvert l’ensemble des Contemplations de Victor Hugo en marchant dans la colline, en cuisinant, en fermant les yeux. Une écoute incroyable. La poésie, la vitalité, l’amour profond de ce poète pour la vie et la nature, son empathie, son humanité m’ont bouleversée, sans parler de la verve, de la poésie et d’un regard posé sur le sacré qui tisse ensemble le monstre et la merveille avec une puissance renversante. J’avais lu des poèmes de Victor Hugo, mais j’ai eu la sensation de rencontrer véritablement sa poésie avec cette écoute des Contemplations. Je pense écouter d’autres poètes français sous ce format de livres audio qui se prête si bien à la poésie.

Morwenna de Jo Walton

Autre belle lecture : Morwenna, de Jo Walton qui m’a été recommandée par un ami à la plume magnifique, j’ai nommé Paul Beorn. (Filez découvrir ses romans si vous n’avez pas encore eu ce privilège !) J’ai été marquée par la personnalité de Morwenna : une jeune fille d’une force, d’une intégrité et d’une résilience admirable.

Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privée à jamais de sa soeur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est ? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre. Ode à la différence, journal intime d’une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois.

Ce personnage était vivant, je pouvais le sentir exister, vibrer, penser, comme si Morwenna se trouvait devant moi, tout droit sortie des pages de Jo Walton. Dans le passé de Morwenna, un accident tragique, une relation aux fées, et un passif familial assombri par le mystère et des forces étranges, Morwenna se retrouve blessée, seule, chez un père qu’elle ne connait pas et des tantes pas vraiment sympathiques, loin de tout ce qu’elle a connu. Elle dévore les livres et choisit la vie à chaque instant malgré sa profonde solitude qui recèle plus d’un cri d’amour vers le monde et vers l’autre. J’aimerais écrire des personnages comme Morwenna et je lirai à coup sûr d’autres livres de Jo Walton avec grand plaisir.

Nevernight de Jay Kristoff

Gros choc littéraire que la découverte du tome 1 (et 2 à présent) de la trilogie de Jay Kristoff : Nevernight. Attention, on est ici dans un univers de dark fantasy, très dark et très violent, à ne pas mettre dans toutes les mains. Nevernight, c’est l’histoire d’une vengeance, on suit la vie, l’ascension et la chute de Mia Corvere, assassin redoutable qui est prête à tout pour venger la mort de son père et la déchéance de sa famille. L’univers aussi original que très très bien ficelé est fascinant.

Au-delà de l’histoire et de l’univers, je pense qu’on reçoit parfois de véritables leçons d’écriture en lisant. Lorsque cela se produit, c’est une expérience géniale (et que j’ai eu l’occasion de faire plusieurs fois cette année). Là où le personnage de Morwenna m’a parlé de qui je voulais écrire en matière de résilience (un thème qui me tient à cœur), la narration addictive, nerveuse, provocante, bardée de twists, de Jay Kristoff m’a montré jusqu’où on pouvait jouer avec la voix narrative. On sent l’auteur à fleur du texte, il s’adresse directement au lecteur, il jubile, et pourtant à aucun moment on ne quitte des yeux l’histoire de Mia, on retient son souffle, on s’indigne, on ricane, puis on se scandalise d’avoir ri à ce moment-là de l’histoire. Bref, c’est scandaleux et c’est brillant.

Malgré tout de Jordi Lefebvre

Un petit bijou que ce roman graphique où l’on remonte dans le temps, un chapitre après l’autre. Une histoire d’amour à reculons qui explore avec finesse les étapes de la vie et tout ce qui constitue un individu : les désirs, l’ambivalence, le besoin de liberté, celui de l’ancrage, l’ambition et les différentes formes d’amour possibles. Ce récit évoque les choix que l’on pose et qui forgent une vie et la possibilité de poser un regard heureux sur ce qui a été vécu, car la joie est partout. Un très beau roman graphique au trait acéré et délicieux, léger, profond et poétique, qui nous rappelle à juste titre qu’il n’est jamais trop tard.

Kalpa Impérial d’Angelica Gorodischer

Ce récit tout à fait particulier de l’écrivaine argentine Angelica Gorodischer m’a été recommandé par ma chère Anouck Faure. Je n’ai jamais rien lu de similaire à cet ensemble de nouvelles qui sont comme un ensemble de fenêtres ouvertes sur l’élévation et la chute des royaumes ; fenêtres où les histoires personnelles se mêlent à la grande Histoire, une histoire mythique, universelle. Ces nouvelles forment un tout harmonieux, cohérent, mystérieux. Le style est superbe, la voix du narrateur affutée vient titiller le lecteur, la compréhension sous-jacente des mécanismes du monde et de l’humain est très impressionnante. Une lecture ovni à découvrir aux éditions La Volte.

La Fileuse d’argent de Naomi Novik

On a beaucoup parlé récemment des livres de Naomi Novik, et en particulier de La Fileuse d’argent. A juste titre. J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui mêle ingénieusement des thématiques sociales et culturelles, ancrées dans un récit réaliste, à la magie du conte ; une magie qui progressivement avale toute l’histoire, une expérience éblouissante et que Naomi mène de main de maître jusqu’au bout. Là encore, une histoire de résilience féminine avec trois héroïnes superbes. Une lecture savoureuse, je vous en mets le pitch ci-dessous :

Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l’échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite… jusqu’à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son cœur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l’argent en or. Mais, lorsque son talent attire l’attention du roi des Staryk – un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril…

D’Or et d’Oreillers de Flore Vesco

Incursion délicieuse dans l’univers de Flore Vesco dont l’humour vous pique du bout de l’aiguille toutes les quarante-trois secondes approximativement avant de se cacher derrière un arbre et de retenir sa respiration. Dans D’Ors et d’Oreillers, on revisite le conte de la princesse au petit pois, mais à la manière champêtre et inimitable de Flore Vesco. C’est un roman jeunesse qui aborde l’érotisme (et la découverte du plaisir féminin) avec ingéniosité et un imaginaire aussi évocateur qu’amusant. On rit, on sourit, on rêve. On en reprend une tranche !

Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin

J’ai découvert la plume de Valérie Perrin avec ce roman qui m’a beaucoup émue. C’est l’histoire de Violette qui est gardienne de cimetière, une femme étonnante, discrète, féérique, blessée, courageuse, dont on remonte le fil de vie entre narration au présent et scènes du passé. Ce récit implacable aux révélations soigneusement agencées développe une galerie de personnages terribles et émouvants. Valérie Perrin trace le tableau d’une existence poignante, entremêlant tristesse et espérance avec une belle justesse. Je repense très régulièrement à Violette qui reste à mes côtés comme un drôle de fantôme attentif et vaillant.

Anergique de Célia Flaux

Je termine cette revue comme je l’ai commencée, avec un roman que j’ai eu la joie et l’honneur de bêta-lire : Anergique, de Célia Flaux, paru aux éditions ActuSF dans la collection Naos. Ce roman se déroule dans un univers de fantasy victorienne à tendance steampunk. Dans cette histoire, Célia nous entraîne entre Londres et l’Inde, entre l’univers de Liliana Mayfair, garde royale, aristocrate fière et férue de justice (mon personnage préféré), et celui du précepteur indien, Amiya Southall, un homme doux qui a été violenté et vit désormais dans une peur paralysante. Célia revisite les rapport sociaux et les rapports de classe  en y insérant un élément central au récit : les donneurs et les buveurs d’énergie. En effet, à la naissance, chaque individu nait avec l’une ou l’autre de ces caractéristiques. La séparation nette entre les buveurs et les donneurs d’énergie permet de mettre en scène des schémas de  domination qui nous sont familiers (racisme, patriarcat, préférences amoureuses) sous un angle nouveau, un angle un peu décalé et fichtrement intéressant. S’ajoutent à cela des personnages attachants dont on suit les évolutions avec tendresse, un univers à la sauce steampunk qui fait son petit effet, et l’atmosphère enivrante de l’Inde dont je ne me lasse jamais : un cocktail délicieux !

Et bien entendu, quand la Pile à Lire se vide, aussitôt elle se recharge ! Voici treize titres qui sont venus s’ajouter à mon programme de lecture:

★ – Empire of the Vampire, le tout dernier titre de Jay Kristoff grâce à qui, vous l’aurez compris, j’ai pris une magistrale leçon d’écriture en dévorant Nevernight.

★ – Quitter les monts d’automne d’Emilie Querbalec dont j’ai beaucoup entendu parler ces derniers mois.

★ – La chambre des dames de Jeanne Bourrin, recommandée par ma chère Amzil à la langue d’or.

★ – La maison au milieu de la mer céruléenne, de Klune, une nouvelle traduction des éditions De Saxus que j’ai hâte de découvrir.

★ – Les Contes d’Alombrar, Maléfices d’Elsa Bordier et Sanoe, un roman graphique qui me fait de l’oeil depuis un petit moment.

★ – La Machine de Katia Lanero Zamora, sur les conseils de ma chère Cindy Van Wilder.

★ – Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda – il serait temps !

★ – Férocités, le dernier recueil de nouvelles concocté par la très chouette maison Sillex.

★ – Un incroyable Artbook d’un artiste fabuleux que ma chère Anouck m’a fait découvrir : Forgotten Gods de Yoann Lossel, cliquez sur ce lien pour en découvrir plus, c’est magnifique !

★ – Le tome 2 de Calame, le diptyque de l’inégalable Paul Beorn.

★ – Éloge des fins heureuses de Coline Pierré sur lequel je lorgne depuis un petit bout de temps.

★ – Le manga Nausicaa du maître Hayao Miyasaki que j’espère emprunter prochainement à la Bibliothèque.

★ – Du fond de mon urne de Maelig Duval aux Editions Gephyre auxquelles je porte une tendre affection.

Noble pousse de séquoia, cher visiteur, chère visiteuse, nous voilà à la fin de ce long article. Je dépose des brassées de pages merveilleuses sur tes genoux et te souhaite des lectures aussi ébouriffantes et poétiques que les miennes dans les mois à venir !

Lumière sur ta journée !

Siècle

4 commentaires sur “Treize histoires ébouriffantes

  1. Louve dit :

    Tu es la seconde à recommander « comme par magie », il va vraiment falloir que je saute le pas.

    • Siècle Vaëlban dit :

      Je te le recommande chaudement. C’est une lecture qui a confirmé beaucoup de mes intuitions créatives et que j’ai trouvé extraordinairement encourageante (et c’est un tout petit livre qui se lit facilement et en gloussant – je suis particulièrement fan de l’anecdote du Homard).

  2. Roanne dit :

    Ah, j’avoue que je suis très curieuse de Morwenna, même si d’autres titres dans ta liste m’intéresseraient certainement.
    Il faut que je me le note, vu ma fâcheuse tendance à tout oublier.

    Sinon, j’approuve les bienfaits de Comme par magie, je l’ai aussi conservé pour le relire à l’occasion. Il est jubilatoire et décomplexant.
    J’ai Mange, prie, aime dans ma PàL, je pense le lire avant la fin de l’année.

    • Siècle Vaëlban dit :

      De mon côté, je fonctionne avec une liste des conseils de lecture que je récolte de ci de là, que je mets à jour en permanence, c’est très utile pour ne pas tout oublier et se construire une PAL sur mesure. ‘Comme par magie’ est un livre empli de bienfaits, c’est tout à fait juste ! Je te souhaite une excellente lecture de ‘Mange, Prie, Aime’ et peut-être aussi un jour de ‘Morwenna’, chère Roanne.

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