Mes Alliances Créatives (1/4) – Entretien avec Roxane Edouard

Fascinante visiteuse, froufroutant visiteur, fabuleuse pousse de séquoia,

En ce mois de mars, j’entame avec le plus vif plaisir une série de quatre articles autour d’un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur, celui des Alliances Créatives.

On dit bien souvent que l’écriture est un acte solitaire. C’est vrai… mais pas que. C’est aussi une pratique qui donne lieu à des rencontres enrichissantes et nécessaires : compagnons auteurs et autrices, bêta-lectrices, relecteurs, illustratrices, éditeurs, lecteurs, lectrices… les interlocuteurs sont nombreux et les échanges autour des textes permettent à celles et ceux qui écrivent de progresser, de se former, d’éliminer leurs darlings (pan !), d’améliorer leurs techniques narratives, et bien d’autres choses encore ; au final, d’augmenter la qualité de leurs histoires.

Mais au-delà de ces échanges littéraires instructifs, encourageants et délicieux, on peut aussi nouer de formidables collaborations créatives.

Je m’intéresse ici aux collaborations créatives sur le long terme (c’est ce que je choisis d’appeler les Alliances Créatives) : par exemple, s’engager dans un projet à quatre mains ; inviter d’autres créateurs à s’emparer de l’univers qu’on a bâti pour le cuisiner à leur sauce (approche transmédia) ; ou encore construire des partenariats avec des acteurs du monde créatif.

Un anneau pour les amener tous… Ah non, zut, c’est pas la bonne référence Source

J’ai la joie de développer depuis plusieurs années de merveilleuses Alliances Créatives dont je vais vous parler plus en détail au fil de ces quatre articles. Ce sera également l’occasion de vous en dire plus sur certains projets qui bouillonnent en coulisses.

Commençons par le commencement.

À la fondation de toute Alliance Créative…

Si je devais définir trois aspects fondateurs à l’origine de mes propres Alliances, ce serait à n’en pas douter l’alchimie, l’admiration et la confiance.

L’alchimie

La première étape est toujours celle du coup de cœur, intuitif et profond, envers la personne avec qui je scellerai par la suite une Alliance Créative. Beaucoup de choses invisibles (et parfois même déjà visibles) se tissent dans le moment de la rencontre. C’est l’aspect le plus inexplicable (orné d’une goutte d’absolu) de ces Alliances : cet élan du cœur et de l’instinct ou se mêlent les sentiments d’évidence, d’empathie et d’admiration.

Exemple d’un élan alchimique multicolore – Source

L’admiration

Pour qu’une Alliance Créative (sur le long terme ; les projets plus courts n’ont pas les mêmes exigences) fonctionne, il me parait souhaitable d’admirer (voire d’être totalement fan) de la personne avec qui l’on espère pactiser. Ce sentiment d’appréciation touche tout autant à la personnalité de cet autre créateur (vous allez, après tout, passer beaucoup de temps à travailler ensemble) qu’à sa démarche, ses talents et sa vision créative.

Imaginez confier votre roman à un illustrateur dont vous n’aimez que très moyennement le travail, vous risquez fort d’être déçu par son apport final à votre œuvre, vous vous sentirez tendu dans le dialogue qui s’en suivra, et même en proie à une forme de détresse de ne pas « sentir » l’état d’esprit de votre création respecté.

Si vous êtes méga-top-giga-fan de votre futur co-créateur, vous pouvez parier sur un pic de joie monumental à voir votre travail sublimé par ce talent qui vous touche déjà si fort en amont.

La confiance

Oui, cela peut paraitre basique, mais il faut sceller son Alliance sous les ailes de la confiance. Confiance dans l’engagement de votre collaborateur ou de votre collaboratrice au sein de votre œuvre commune ; confiance que vos énergies trouveront ensemble l’accord le plus juste ; confiance dans les bonnes intentions de la personne à chaque étape du processus ; confiance dans votre intuition qui vous a réunis pour faire un long chemin, main dans la main.

Admirez donc la démarche de ce pingouin, certainement le pingouin le plus confiant du monde – Photo de Jean van der Meulen provenant de Pexels

Voilà pour la théorie, passons à l’approche concrète !

Mes Alliances Créatives – Roxane Edouard

Je scelle ma première Alliance en décembre 2017 lorsque je signe avec mon agente, Roxane Edouard, afin qu’elle représente l’ensemble de ma création littéraire dans les années à venir.

Sceller sa première Alliance Créative Source

J’ai rencontré Roxane à la fin de l’année 2016 à l’occasion d’une intervention sur son métier d’agente littéraire auprès d’un public d’auteurs et d’autrices.

Parce que je participais au comité d’organisation de cette rencontre, j’ai l’opportunité de déjeuner avec elle et les autres organisateurs en amont. Au moment du dessert, je suis déjà totalement séduite par ce que Roxane dégage d’énergie, de passion, d’humanité et d’intelligence.

Puis vient l’intervention en elle-même. Ses ambitions et sa vision du métier d’agent me plaisent énormément : Roxane souhaite privilégier une relation personnelle d’accompagnement du créateur et de la créatrice bien au-delà de l’aspect contractuel ; s’engager sur la construction d’une carrière et donc dans une relation de travail sur le long terme ; elle porte une attention accrue aux voix et aux thématiques qu’elle accepte de représenter ; et donne la part belle à son intuition, suit ses coups de cœurs et les signes que l’Univers sème sur son passage.

Autant te dire, chère pousse de séquoia, qu’à l’issue de cette rencontre, j’étais aussi cuite qu’une patate douce oubliée dans un coin de Sahara. Et je savais, avec une certitude pas tout à fait rationnelle, que je voulais absolument, si possible, mais pourvu que ce soit possible, travailler avec Roxane.

Aussi cuite que Calcifer après ma rencontre avec Roxane – Le château ambulant, Miyasaki – Source

Moi qui avait tendance à procrastiner devant la perspective d’envoyer mes textes en recherche éditoriale, cette fois-ci, je n’ai pas procrastiné du tout. Le soir même, j’envoyais un dossier de candidature à Roxane pour lui présenter mes écrits et lui dire combien j’aimerais collaborer avec elle. S’en sont suivis plusieurs échanges d’emails agrémentés de discussions approfondies. C’est au final en lisant l’ancienne version du tome 1 de Nomorgames que Roxane m’a proposé de me représenter : ce moment restera pour moi celui du fameux premier Oui et un tournant dans ma manière de considérer mon activité d’autrice et mes perspectives professionnelles.

Au cours des quatre années qui ont suivi, Roxane m’a fait retravailler, encore et encore, les trois tomes de la trilogie de Nomorgames . J’ai beaucoup appris de son regard et de nos échanges. Elle m’a aidé à explorer, puis à doser le registre de langage spécifique à ce projet, elle m’a fait rédiger noir sur blanc les 30 articles de la Constitution de Nomorgames. Elle a relu le tome 1 au moins quatre fois sur quatre versions différentes. En 2021, nous avons déclaré le travail sur la trilogie terminé et celle-ci est partie en recherche éditoriale. Depuis, nous travaillons ensemble sur mes autres romans et de nombreux projets à venir.

Entretien avec Roxane Edouard

Roxane Edouard

Ma chère Roxane, bonjour et merci de prendre le temps de participer à cet entretien. Plongeons dans le vif du sujet. Si tu devais répondre en quelques phrases à la question « Qui es-tu ? », que nous en dirais-tu ?

Tout d’abord ma chère Siècle, merci de me permettre de participer à cette série d’entretiens. J’étais toute surprise quand tu me l’as proposé et j’en suis ravie !

Qui suis-je ? Je suis agente littéraire, maman de deux petits monstres, passionnée de lectures en tout genre, amoureuse de mon amoureux, vegan, scorpion, un peu accro au sport et beaucoup au beurre de cacahuètes.

Comment conçois-tu la créativité, la création, l’acte de créer ?

N’étant pas créatrice moi-même, j’observe tout cela d’un point de vue externe. A mon sens, il y a autant de façon de créer que de créateurs.rices et/ou de projets, mais le point commun que je vois parmi tous.tes les auteurs.rices avec lesquels.lles j’ai la chance de travailler est que peu importe le contexte et les circonstances, ils.elles ne peuvent pas arrêter de créer. C’est indispensable, compulsif et incontrôlable. Ça doit sortir si je puis dire 😊

Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ton métier, tes ambitions, ta vision du monde créatif et la manière dont tu souhaites y participer ?

Mon rôle est d’accompagner et d’aider les auteurs.rices à mettre un peu d’ordre dans ce processus créatif qui peut être chaotique parfois. Je suis là pour discuter stratégie de carrière, lire, relire et encore relire, encourager, échanger, négocier bien sûr et m’occuper de tout l’aspect contractuel et administratif mais au final, ce n’est qu’une partie du travail, une partie cruciale bien sûr mais loin d’être l’intégralité de mon rôle. Surtout, je dois m’adapter. Chaque auteur.rice est différent.e, n’a pas les mêmes attentes ou les mêmes besoins. C’est un peu un exercice d’équilibriste, on cherche le bon dosage. On veut être là pour tout le monde tout le temps, mais le temps n’est pas infini. Il faut toujours faire des choix.

Mon objectif premier a toujours été que les auteurs.rices francophones bénéficient des mêmes opportunités que les auteurs.rices anglosaxons.nes. Je travaille avec des auteurs.rices francophones depuis 2015. Sept ans, c’est très peu à l’échelle d’une carrière et de l’édition. Je ne suis qu’au tout début de ce que je souhaite réaliser..

Je m’intéresse particulièrement aux profils atypiques, aux voix qu’on entend peu ou pas, aux projets qui ne rentrent pas toujours dans des cases – bien sûr, je me laisse aussi guider par mes goûts qui sont assez éclectiques je dois dire. Je peux passer des heures à binger des séries sur Webtoon comme je peux me perdre dans le dernier Goncourt. Il ne devrait pas y avoir de hiérarchie en lecture.

Pour quelles raisons, à ton avis, avons-nous forgé notre Alliance Créative ?

Eh bien, toi et moi, c’était une rencontre comme il y en a peu et comme je les aime. Je savais que je voulais travailler avec toi, même si on a mis quelques temps à trouver le bon projet par lequel commencer. Ce n’est pas normalement comme cela que les choses se passent. Habituellement, je reçois un projet et si ce dernier me plait, je contacte l’auteur.rice. Nous avons fait les choses à l’envers mais cela fait écho à ce que je disais plus haut, il faut être flexible et s’adapter. Parfois, de belles surprises sont au rendez-vous !

Comment envisages-tu notre collaboration dans les années à venir ?

Je m’attends à tout 😊 Je sais que tu vas continuer de produire des projets atypiques, très différents les uns des autres, sur des supports divers et variés, et qui nécessiteront que j’élargisse constamment mon réseau. Et c’est très bien ! On grandit ensemble toi et moi et c’est très stimulant, pour moi en tout cas !

Je nous imagine grandir ensemble à la mode piou, c’est émouvant – Source

Quelles sont les énergies, les actions et les directions que tu souhaites nourrir dans ta vie en cette année 2022 ?

J’ai passé un an en congé maternité à réfléchir, à affiner une vision de mon projet pour les auteurs.rices francophones. Je suis donc très impatiente mais je sais aussi que tout cela va prendre du temps et que certains éléments ne vont se débloquer que lorsque j’aurais trouvé les bons interlocuteurs.rices. Donc je dirais : patience, foi et équilibre. Les choses vont se faire au rythme ou elles doivent se faire et ce ne sera jamais aussi rapide que je le souhaite. Je donne l’impulsion mais je ne peux pas tout contrôler et c’est tant mieux !

Mille merci pour tes réponses, ma chère Roxane !

Fascinante visiteuse, froufroutant visiteur, fabuleuse pousse de séquoia, on se retrouve la semaine prochaine pour un deuxième article sur les Alliances Créatives. D’ici là, puisses-tu grignoter un morceau de ciel bleu à l’heure du goûter.

Lumière sur ta journée !

Siècle

Les sirènes qui hantent nos histoires

Noble visiteuse, noble visiteur, ravissante pousse de séquoia, belle année à toi – puisses-tu fleurir en ton jardin.

Aujourd’hui, un article rigolo au sujet de nos thématiques d’écriture à rebonds multiples (un peu comme les ricochets à la surface de l’eau).

Je ne sais pas si vous avez remarqué, comparses écrivaillons, vous qui comme moi avez d’ores et déjà travaillé sur plusieurs histoires, que certaines de nos thématiques se manifestent à répétition dans chacun, ou du moins plusieurs, de nos écrits. Bien entendu, ces petites malignes changent de vêture, d’angle d’approche ou de personnage à titiller. Elles se glissent, l’air de rien, dans un fil d’intrigue secondaire, ou réécrivent en douce votre dénouement final avec le sourire narquois de celle qui se sait reine au sein de son créateur.

Les Sirènes qui hantent nos histoires – Source – Pixabay

On pourrait se dire que tant qu’on en a pas fait le tour, nos thématiques favorites reviennent nous hanter, attendant l’histoire dans laquelle vous les présenterez parées de leur diadème le plus éclatant ou armées de leur dague la plus incisive. On pourrait aussi se dire que ces sirènes récurrentes sont les compagnes qui nous habitent, reflets de nos questionnements, de nos expériences, de nos idéaux et de nos aspirations et qu’elles seront toujours là. On pourrait se dire enfin qu’elles nous ont missionné pour un temps et un nombre d’histoires indéterminé et qu’elle s’évanouiront un jour de notre plume, laissant place à d’autres sirènes que nous ne connaissons pas encore.

Quoi qu’il en soit, nos sirènes laissent parfois dans leur sillage des images symboliques ou des obsessions d’écriture qui fleurissent aux quatre coins de nos histoires.

Si je prends mon cas, voici trois (il y en a certainement d’autres, mais que voulez-vous, je suis une adepte du rythme ternaire) de ces récurrences irrépressibles qui sillonnent mes histoires : l’acte de nommer et la multiplication des noms, des titres et des surnoms ; la transformation capillaire ; la présence des oiseaux.

Même ma souris et son tapis ont leurs oiseaux !

L’acte de nommer

Dans La demeure des Mah-Haut-Rels, les enfants du Ciel et de l’Écume sont désignés par un surnom jusqu’à l’âge de douze ans ; ils reçoivent alors leur nom véritable, celui qui marque leur passage vers l’âge adulte et définit leur place dans la communauté. Dans L’Étoile du Soir, ma narratrice, Kinjal, dix ans, entretient une obsession pour les noms de toutes les personnes qu’elle rencontre, elle cherche à comprendre pourquoi ce nom-là a été attribué à cette personne-ci et ce qu’il peut bien révéler de sa nature profonde. Dans Plein-Ciel, univers de castes et d’opérettes, chaque nom vous place aussitôt dans la hiérarchie sociale. Si vous êtes un Masque, vous porterez l’élégant patronyme de Charles-Espoir, de Rodrigue-Emérite ou de Kélicia-Désirée. Si vous êtes un Jouet, vous choisirez vous-même le nom qui qualifiera au mieux votre métier d’artisan : vous vous nommerez Papeterie, Équerre ou Dé-à-Coudre. Si vous êtes un Inanimé, vous vous appellerez Max ou Jo. Point final.

Je distingue, dans cette fascination pour les noms, la patte de ma chère vieille thématique : la quête de l’identité, et plus précisément cette idée que l’on hérite, que l’on reçoit, parfois qu’on rejette ou qu’on réoriente, et même qu’on forge une bonne part de son identité. Nom imposé, nom chargé d’une histoire ou d’une vision sociétale, nom porteur d’un message secret, nom tout neuf qui vous offre de nouvelles ailes – une puissance symbolique, discrète ou éclatante accompagne comme une traînée d’étoiles l’acte de nommer. Et si mes personnages ont parfois un surnom ou un titre en plus de leur nom d’origine, on pourrait y voir la notion d’identité multiple ; nous portons tous plusieurs costumes, adoptons différentes formes en fonction de la compagnie qui nous escorte, de la période de notre vie, du contexte dans lequel nous évoluons. Partie émergée de la quête d’identité, les noms invitent toujours à creuser plus loin.

La transformation capillaire

La magie des ciseaux – Source – Pixabay

Dans Nomorgames, les personnages subissent, ou choisissent, de passer par de nombreuses transformations capillaires tout du long de la trilogie : crête iroquoise, crâne rasé, dreads et cheveux longs, courts, noirs, blonds ou verts ; on peut dire que Sam et James en voient de toutes les couleurs. Dans La Folle Fabule des Sœurs Trésor, Yaya Feuille coupe les cheveux d’Ishtar la nuit de ses sept ans avant de les tremper dans une potion de lune pour symboliser son passage à l’état de « grande fille ». Dans Le Cri Soleil, le personnage de Phare, créature solaire, a des cheveux qui blondissent puis roussissent au fil des mois, poussent de trois centimètres chaque jour et sont consumés les nuits de pleine lune. Dans Dragonflies (…la plupart du temps), Papryka décide de s’infiltrer chez son ennemie. Elle se taille alors une frange qui dissimule une partie de son visage… et de ses intentions.

On est bien entendu ici dans la thématique de la transformation, de la transmutation. A travers le corps s’exprime quelque chose de la personne. C’est la possibilité de choisir, de se renouveler, d’évoluer. C’est le cycle de la pousse du cheveu, la symbolique de le couper, de s’en défaire, et de laisser partir un pan de sa vie. C’est le changement de peau, le renouveau, l’affranchissement, le rituel de passage, la transfiguration, la prise en main de sa destinée. La transformation est une clé dont j’use avec délice et je ne peux échapper à la cruciale question capillaire qui se manifeste quasiment dans chacune de mes histoires.

La présence des oiseaux

Royauté oiselée – Source – Pixabay

Les oiseaux sont omniprésents dans mes histoires. Dans La demeure des Mah-Haut-Rels, on offre un oiseau à Venise, un oiseau doux et vulnérable qui le préserve de la chute dans l’ombre. Dans Plein-Ciel, le mouvement révolutionnaire du Chant-des-Oiseaux envoie ses Oiseleurs combattre les dangereux Oiseliers. Dans Bleu D’Acier, les Moineaux qu’apprend à piloter Sandrian sont des machines volantes en forme de rapaces. Dans Nomorgames, la Muse de Sam a l’apparence d’une Harpie féroce aussi terrifiante que bienveillante. Et dans Dragonflies (…la plupart du temps), la tendresse d’un tout petit colibri soigne le cœur blessé d’Albert de Loire.

Les oiseaux portent dans le creux de leurs ailes la nécessaire liberté dont nous avons tous soif. Ils allient la douceur (et une certaine forme de fragilité) à la royauté de l’aigle. Ils sont parfois proie, parfois prédateurs, passagers du vent, chasseurs et musiciens. Ils appartiennent au ciel, à l’espérance et aux rêves de lendemains radieux. Ils volent, ils émerveillent et leur chant charrie une magie toute particulière. Les oiseaux sont les joyaux précieux qui enluminent mes histoires.

Mille sirènes déterminées – Source – Pixabay

Ah, ces sirènes thématiques sont fascinantes à débusquer ! Me voilà à l’affut de toutes les créatures aquatiques dans mes histoires… et dans celles des autres. Quelles sirènes habitent les êtres ? Avons-nous des sirènes en commun, des sirènes rares, d’étranges sirènes, des sirènes minuscules, mais bien accrochées ? La quête ne fait que commencer…

Visiteuse, visiteur, noble pousse de séquoia…. lumière sur ta journée !

Treize histoires ébouriffantes

Visiteur, visiteuse, noble pousse de séquoia, mes salutations,

2021 se poursuit sur l’auspice des belles histoires. Voici treize lectures qui m’ont enchantée depuis le début de cette année !

La Baleine blanche des Mers Mortes – Aurélie Wellenstein au scénario, Olivier Boiscommun à l’illustration

J’ai le très grand plaisir d’entamer cet article en vous parlant d’une bande dessinée qui sort aujourd’hui en librairie ; une sortie qui me tient tout particulièrement à cœur, car j’ai eu le plaisir de bêta-lire le scénario de la Baleine et de suivre en coulisses les différentes étapes de la réalisation de ce projet. La Baleine blanche des Mers Mortes se déroule dans l’univers du roman Mers Mortes d’Aurélie. En deux mots : dans un monde asséché et dévasté, les océans reviennent sous la forme de mers fantômes, charriant dans leur sillage les spectres vengeurs des animaux marins. On retrouve dans la BD le personnage central de Bengale avant les événements du roman, l’occasion d’une plongée dans la psyché et le passé trouble de cet homme aussi inquiétant que charismatique. Dans un Paris post-apocalyptique, somptueusement représenté par Olivier Boiscommun, Bengale fait la rencontre de Chrysaora, une jeune femme protégée par les méduses fantômes (un personnage auquel je porte une grande tendresse). Ils vont être recueillis par une communauté de survivants réfugiés dans l’Opéra Garnier et qui sont prêts à tout pour récupérer l’âme de l’un des leurs avalée par le spectre d’une Baleine blanche.

Une histoire puissante, engagée, qui nous plonge dans le monde marin, la beauté et la souffrance animale, comme dans les ressorts de l’esprit humain… L’animal, sacré, divin, monstrueux est au centre d’une réflexion plus large. On s’interroge, on s’inquiète, on s’émeut… On s’émerveille des illustrations et du travail de colorisation époustouflant d’Olivier. Les scènes impactantes se succèdent, l’horreur se mêle de poésie, la violence de ce monde où chacun cherche la survie (ou bien la rédemption) se mêle d’éclats de tendresse. Parution aujourd’hui aux éditions Drakoo. Foncez !

Comme par magie d’Elizabeth Gilbert

Ce petit livre m’a été offert par ma chère Lysiane, une amie musicienne avec qui j’ai la joie de collaborer sur des projets communs dont je vous parlerai ultérieurement. Ce fut une lecture merveilleuse, inspirante, optimiste, libératrice ! Je la recommande chaudement à tous les créateurs et créatrices… donc potentiellement à tout le monde ! Dans Comme par magie, Elizabeth Gilbert nous parle de créativité, elle témoigne de sa vie créative, des méthodes et surtout de l’attitude qu’elle a choisi d’adopter vis-à-vis de sa créativité (lâcher-prise, gratitude, souplesse, enchantement, détermination, travail), le tout jonché d’anecdotes humoristiques et d’une passion communicative : je relirai sans aucun doute ce livre dès que j’aurai des doutes ou le besoin de renouer avec ma propre créativité.

Les dames à la licorne de René Barjavel et Olenka De Veer

Un ouvrage que j’ai récupéré dans ma bibliothèque depuis quelques années, il était temps que je m’y plonge. Ce récit se déroule sur les terres d’Irlande à la fin du XIXe siècle. On y suit la destinée de cinq sœurs aux tempéraments profondément différents qui vivent isolées sur une île. J’ai apprécié la patte de la narration qui fait la part belle à la nature irlandaise et aux personnalités de nos héroïnes, ainsi que le style d’une poésie et d’une belle sensualité qui nous escorte dans les vies de ces cinq jeunes femmes. Liberté, amour, révérence, famille, liberté encore et surtout, bercé par un fond légendaire où le sang des licornes promet le fabuleux dans le quotidien.

Le grimoire d’Elfie – Alwett, Arleston, Mini Ludvin, Lenoble

Le premier tome d’une adorable bande-dessinée parue également aux éditions Drakoo. On y suit (là aussi, décidément^^) l’histoire de trois sœurs qui ont récemment perdu leur mère. L’aînée, dix-huit ans à peine, fait l’acquisition d’une librairie ambulante et entraîne ses deux cadettes sur les routes à la recherche d’une nouvelle vie ensemble. Chacune des trois sœurs a une personnalité très bien ficelée et attachante. Les dessins et les couleurs sont d’une douceur enivrante, et le personnage d’Elfie, la benjamine du trio, pose un regard sur le monde frais et touchant. Tout cela cuisiné avec une belle dose d’humour et de magie, comme on pouvait s’y attendre avec le duo Alwett/Arleston au scénario.

Les Contemplations de Victor Hugo en livre audio !

Cette année, j’ai voulu expérimenter les livres audios. J’ai écouté Dune, Clémentine Beauvais… et de la poésie : j’ai découvert l’ensemble des Contemplations de Victor Hugo en marchant dans la colline, en cuisinant, en fermant les yeux. Une écoute incroyable. La poésie, la vitalité, l’amour profond de ce poète pour la vie et la nature, son empathie, son humanité m’ont bouleversée, sans parler de la verve, de la poésie et d’un regard posé sur le sacré qui tisse ensemble le monstre et la merveille avec une puissance renversante. J’avais lu des poèmes de Victor Hugo, mais j’ai eu la sensation de rencontrer véritablement sa poésie avec cette écoute des Contemplations. Je pense écouter d’autres poètes français sous ce format de livres audio qui se prête si bien à la poésie.

Morwenna de Jo Walton

Autre belle lecture : Morwenna, de Jo Walton qui m’a été recommandée par un ami à la plume magnifique, j’ai nommé Paul Beorn. (Filez découvrir ses romans si vous n’avez pas encore eu ce privilège !) J’ai été marquée par la personnalité de Morwenna : une jeune fille d’une force, d’une intégrité et d’une résilience admirable.

Morwenna Phelps, qui préfère qu’on l’appelle Mori, est placée par son père dans l’école privée d’Arlinghurst, où elle se remet du terrible accident qui l’a laissée handicapée et l’a privée à jamais de sa soeur jumelle, Morganna. Là, Mori pourrait dépérir, mais elle découvre le pouvoir des livres de science-fiction. Delany, Zelazny, Le Guin et Silverberg peuplent ses journées, la passionnent. Un jour, elle reçoit par la poste une photo qui la bouleverse, où sa silhouette a été brûlée. Que peut faire une adolescente de seize ans quand son pire ennemi, potentiellement mortel, est une sorcière, sa propre mère qui plus est ? Elle peut chercher dans les livres le courage de combattre. Ode à la différence, journal intime d’une adolescente qui parle aux fées, Morwenna est aussi une plongée inquiétante dans le folklore gallois.

Ce personnage était vivant, je pouvais le sentir exister, vibrer, penser, comme si Morwenna se trouvait devant moi, tout droit sortie des pages de Jo Walton. Dans le passé de Morwenna, un accident tragique, une relation aux fées, et un passif familial assombri par le mystère et des forces étranges, Morwenna se retrouve blessée, seule, chez un père qu’elle ne connait pas et des tantes pas vraiment sympathiques, loin de tout ce qu’elle a connu. Elle dévore les livres et choisit la vie à chaque instant malgré sa profonde solitude qui recèle plus d’un cri d’amour vers le monde et vers l’autre. J’aimerais écrire des personnages comme Morwenna et je lirai à coup sûr d’autres livres de Jo Walton avec grand plaisir.

Nevernight de Jay Kristoff

Gros choc littéraire que la découverte du tome 1 (et 2 à présent) de la trilogie de Jay Kristoff : Nevernight. Attention, on est ici dans un univers de dark fantasy, très dark et très violent, à ne pas mettre dans toutes les mains. Nevernight, c’est l’histoire d’une vengeance, on suit la vie, l’ascension et la chute de Mia Corvere, assassin redoutable qui est prête à tout pour venger la mort de son père et la déchéance de sa famille. L’univers aussi original que très très bien ficelé est fascinant.

Au-delà de l’histoire et de l’univers, je pense qu’on reçoit parfois de véritables leçons d’écriture en lisant. Lorsque cela se produit, c’est une expérience géniale (et que j’ai eu l’occasion de faire plusieurs fois cette année). Là où le personnage de Morwenna m’a parlé de qui je voulais écrire en matière de résilience (un thème qui me tient à cœur), la narration addictive, nerveuse, provocante, bardée de twists, de Jay Kristoff m’a montré jusqu’où on pouvait jouer avec la voix narrative. On sent l’auteur à fleur du texte, il s’adresse directement au lecteur, il jubile, et pourtant à aucun moment on ne quitte des yeux l’histoire de Mia, on retient son souffle, on s’indigne, on ricane, puis on se scandalise d’avoir ri à ce moment-là de l’histoire. Bref, c’est scandaleux et c’est brillant.

Malgré tout de Jordi Lefebvre

Un petit bijou que ce roman graphique où l’on remonte dans le temps, un chapitre après l’autre. Une histoire d’amour à reculons qui explore avec finesse les étapes de la vie et tout ce qui constitue un individu : les désirs, l’ambivalence, le besoin de liberté, celui de l’ancrage, l’ambition et les différentes formes d’amour possibles. Ce récit évoque les choix que l’on pose et qui forgent une vie et la possibilité de poser un regard heureux sur ce qui a été vécu, car la joie est partout. Un très beau roman graphique au trait acéré et délicieux, léger, profond et poétique, qui nous rappelle à juste titre qu’il n’est jamais trop tard.

Kalpa Impérial d’Angelica Gorodischer

Ce récit tout à fait particulier de l’écrivaine argentine Angelica Gorodischer m’a été recommandé par ma chère Anouck Faure. Je n’ai jamais rien lu de similaire à cet ensemble de nouvelles qui sont comme un ensemble de fenêtres ouvertes sur l’élévation et la chute des royaumes ; fenêtres où les histoires personnelles se mêlent à la grande Histoire, une histoire mythique, universelle. Ces nouvelles forment un tout harmonieux, cohérent, mystérieux. Le style est superbe, la voix du narrateur affutée vient titiller le lecteur, la compréhension sous-jacente des mécanismes du monde et de l’humain est très impressionnante. Une lecture ovni à découvrir aux éditions La Volte.

La Fileuse d’argent de Naomi Novik

On a beaucoup parlé récemment des livres de Naomi Novik, et en particulier de La Fileuse d’argent. A juste titre. J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui mêle ingénieusement des thématiques sociales et culturelles, ancrées dans un récit réaliste, à la magie du conte ; une magie qui progressivement avale toute l’histoire, une expérience éblouissante et que Naomi mène de main de maître jusqu’au bout. Là encore, une histoire de résilience féminine avec trois héroïnes superbes. Une lecture savoureuse, je vous en mets le pitch ci-dessous :

Petite-fille et fille de prêteur, Miryem ne peut que constater l’échec de son père. Généreux avec ses clients mais réticent à leur réclamer son dû, il a dilapidé la dot de sa femme et mis la famille au bord de la faillite… jusqu’à ce que Miryem reprenne les choses en main. Endurcissant son cœur, elle parvient à récupérer leur capital et acquiert rapidement la réputation de pouvoir transformer l’argent en or. Mais, lorsque son talent attire l’attention du roi des Staryk – un peuple redoutable voisin de leur village -, le destin de la jeune femme bascule. Obligée de relever les défis du roi, elle découvre bientôt un secret qui pourrait tous les mettre en péril…

D’Or et d’Oreillers de Flore Vesco

Incursion délicieuse dans l’univers de Flore Vesco dont l’humour vous pique du bout de l’aiguille toutes les quarante-trois secondes approximativement avant de se cacher derrière un arbre et de retenir sa respiration. Dans D’Ors et d’Oreillers, on revisite le conte de la princesse au petit pois, mais à la manière champêtre et inimitable de Flore Vesco. C’est un roman jeunesse qui aborde l’érotisme (et la découverte du plaisir féminin) avec ingéniosité et un imaginaire aussi évocateur qu’amusant. On rit, on sourit, on rêve. On en reprend une tranche !

Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin

J’ai découvert la plume de Valérie Perrin avec ce roman qui m’a beaucoup émue. C’est l’histoire de Violette qui est gardienne de cimetière, une femme étonnante, discrète, féérique, blessée, courageuse, dont on remonte le fil de vie entre narration au présent et scènes du passé. Ce récit implacable aux révélations soigneusement agencées développe une galerie de personnages terribles et émouvants. Valérie Perrin trace le tableau d’une existence poignante, entremêlant tristesse et espérance avec une belle justesse. Je repense très régulièrement à Violette qui reste à mes côtés comme un drôle de fantôme attentif et vaillant.

Anergique de Célia Flaux

Je termine cette revue comme je l’ai commencée, avec un roman que j’ai eu la joie et l’honneur de bêta-lire : Anergique, de Célia Flaux, paru aux éditions ActuSF dans la collection Naos. Ce roman se déroule dans un univers de fantasy victorienne à tendance steampunk. Dans cette histoire, Célia nous entraîne entre Londres et l’Inde, entre l’univers de Liliana Mayfair, garde royale, aristocrate fière et férue de justice (mon personnage préféré), et celui du précepteur indien, Amiya Southall, un homme doux qui a été violenté et vit désormais dans une peur paralysante. Célia revisite les rapport sociaux et les rapports de classe  en y insérant un élément central au récit : les donneurs et les buveurs d’énergie. En effet, à la naissance, chaque individu nait avec l’une ou l’autre de ces caractéristiques. La séparation nette entre les buveurs et les donneurs d’énergie permet de mettre en scène des schémas de  domination qui nous sont familiers (racisme, patriarcat, préférences amoureuses) sous un angle nouveau, un angle un peu décalé et fichtrement intéressant. S’ajoutent à cela des personnages attachants dont on suit les évolutions avec tendresse, un univers à la sauce steampunk qui fait son petit effet, et l’atmosphère enivrante de l’Inde dont je ne me lasse jamais : un cocktail délicieux !

Et bien entendu, quand la Pile à Lire se vide, aussitôt elle se recharge ! Voici treize titres qui sont venus s’ajouter à mon programme de lecture:

★ – Empire of the Vampire, le tout dernier titre de Jay Kristoff grâce à qui, vous l’aurez compris, j’ai pris une magistrale leçon d’écriture en dévorant Nevernight.

★ – Quitter les monts d’automne d’Emilie Querbalec dont j’ai beaucoup entendu parler ces derniers mois.

★ – La chambre des dames de Jeanne Bourrin, recommandée par ma chère Amzil à la langue d’or.

★ – La maison au milieu de la mer céruléenne, de Klune, une nouvelle traduction des éditions De Saxus que j’ai hâte de découvrir.

★ – Les Contes d’Alombrar, Maléfices d’Elsa Bordier et Sanoe, un roman graphique qui me fait de l’oeil depuis un petit moment.

★ – La Machine de Katia Lanero Zamora, sur les conseils de ma chère Cindy Van Wilder.

★ – Le vieux qui lisait des romans d’amour de Luis Sepulveda – il serait temps !

★ – Férocités, le dernier recueil de nouvelles concocté par la très chouette maison Sillex.

★ – Un incroyable Artbook d’un artiste fabuleux que ma chère Anouck m’a fait découvrir : Forgotten Gods de Yoann Lossel, cliquez sur ce lien pour en découvrir plus, c’est magnifique !

★ – Le tome 2 de Calame, le diptyque de l’inégalable Paul Beorn.

★ – Éloge des fins heureuses de Coline Pierré sur lequel je lorgne depuis un petit bout de temps.

★ – Le manga Nausicaa du maître Hayao Miyasaki que j’espère emprunter prochainement à la Bibliothèque.

★ – Du fond de mon urne de Maelig Duval aux Editions Gephyre auxquelles je porte une tendre affection.

Noble pousse de séquoia, cher visiteur, chère visiteuse, nous voilà à la fin de ce long article. Je dépose des brassées de pages merveilleuses sur tes genoux et te souhaite des lectures aussi ébouriffantes et poétiques que les miennes dans les mois à venir !

Lumière sur ta journée !

Siècle

Fleurir l’autel de sa Muse

Ondoyant visiteur, tournoyante visiteuse, noble pousse de séquoia, mes salutations ! 

Le mois d’août touche à sa fin. Les matinées sont étonnamment fraîches, mais le soleil de midi baigne les arbres d’un voile d’or chaud. J’aime cette période de l’année, ce point de bascule où se rencontrent les parfums d’été et les premières couleurs d’automne. 

C’est l’occasion de passer un chiffon à poussière sur mes lunettes en forme de cœur, le temps d’un article consacré à l’écriture, et plus précisément à la créativité.  

Ces trois dernières années, j’ai expérimenté différents processus créatifs, j’ai observé et réfléchi à la circulation des énergies créatives (les miennes et celles des autres).  

J’ai dernièrement médité sur trois lectures merveilleuses, des mines de sagesse créative, j’ai nommé :  Femme qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés, Comme par magie d’Elizabeth Gilbert et Daemon Voices de Philip Pullman. 

J’ai joué avec les énergies créatives, tenté des expériences, appris à les canaliser d’une manière, puis d’une autre, et encore d’une troisième, afin d’irriguer mes projets d’écriture. J’ai testé, tâtonné, alchimisé. 

De ce questionnement sur la créativité (toujours en cours et jamais achevé, bien évidemment), je tire aujourd’hui des fruits conséquents ; je n’ai jamais été aussi inspirée, aussi créative, ni aussi efficace dans la gestion de mes différents projets qu’au cours de la dernière année.  

Ces explorations créatives ont d’ailleurs donné lieu à la création d’un outil pour dialoguer avec sa créativité, en partenariat avec ma chère Anouck Faure, dont j’aurais certainement l’occasion de vous reparler dans les mois à venir – un projet aussi ébouriffant qu’enthousiasmant. 

En attendant de partager tous ces fleurissements créatifs avec vous, voici trois constatations sur lesquelles je m’appuie désormais quotidiennement pour créer : 

♥ – La créativité est à la fois part de nous et part d’une source plus grande. On peut la visualiser comme un fleuve, une créature, une Muse vivante, intelligente et expansive. Afin de créer juste, de créer inspiré, de créer vibrant, il est bon d’établir un dialogue avec sa créativité, d’ouvrir les portes de la communication et de le faire avec optimisme et révérence – c’est ce que j’appelle Fleurir l’autel de sa Muse.  

Muse – Image par Sabine Sauermaul de Pixabay

On pourrait se faire la réflexion, face à la page blanche ou au manque d’inspiration, que la créativité nous a abandonné, que notre Muse nous délaisse. On peut lui en vouloir, la critiquer, lui lancer une pluie de kiwis juteux à la tête. Sauf que. Sauf que, ce n’est jamais la faute de la créativité si nous la délaissons. Et blâmer notre part créative de son manque de coopération aurait tendance à lui couper les ailes ; ce qui ne peut que nous desservir. Notre créativité, notre Muse, n’a qu’un seul objectif : nous voir devenir créateur et créatrice. Elle revient inlassablement frapper à notre porte pour nous proposer son aide. Elle est prête à se faire guru, jardinière, égérie, petite main, compagne et pom-pom girl s’il le faut. Pourvu que nous lui ouvrions la porte, pourvu que nous fassions la démarche de fleurir l’autel, d’être volontaire dans l’acte de créer, pourvu que nous entamions la discussion, que nous apprenions à la connaître, que nous lui tendions la main. 

♥ – Ma deuxième constatation provient de mes diverses tentatives pour organiser mes temps de création de la manière la plus efficace possible. J’ai cogité en long, en large et en travers. Qu’est-ce qui serait le plus efficace ? Travailler en continu sur le même projet ? Alterner les phases de travail sur différentes créations pendant une même journée ? Une même semaine ? Un mois ? Protéger mon projet des regards extérieurs ? Au contraire, le confier à des regards extérieurs ? Échanger avec des co-créateurs ? Travailler à porte fermée ? En réalité, la réponse à ces questions change tout le temps puisque la créativité est vivante. Elle évolue de manière cyclique, elle s’adapte à ce que nous traversons. Elle n’a pas toujours les mêmes besoins ou la même quantité de carburant à nous offrir. Et c’est tout à fait normal. La meilleure façon (pour moi) d’utiliser efficacement sa créativité, c’est de la vivre, de la ressentir, de chercher l’équilibre. Et pour cela, je concocte un tas de délicieuses alliances : j’allie structure et souplesse, logique et intuition, chill et persévérance, objectifs et chemins de traverse, exaltation et rigueur. 

Emploi du temps évolutif – Image par Gerd Altmann de Pixabay

Par exemple, je travaille désormais avec un emploi du temps évolutif. Je détermine des objectifs à petit, moyen et long terme. Plus les objectifs sont à court terme, plus ils sont modulables. J’informe ma Muse des grandes lignes que nous allons viser ensemble. Et c’est elle qui impulse la progression des temps de travail, parfois selon une succession d’étapes logiques, parfois de manière organique et surprenante. Ce que je constate, c’est qu’elle tient nos objectifs si je lui fais confiance. Et ce de manière bien plus ludique et efficace que je ne le ferais en luttant pour me contraindre à suivre un calendrier d’étapes hyper précises. Au lieu d’ordonner à mon Moi du Futur de faire telle ou telle chose, je lui fais confiance pour utiliser au mieux son énergie de la journée dans la direction globale que nous avons voulue. 

Autrement dit, j’allie structure et souplesse. Mes plages de travail sont inscrites dans un agenda, chacun de mes projets est divisé en étapes. Je définis des objectifs temporels (sur plusieurs mois de travail). Mais je suis souple dans le choix des tâches quotidiennes. Je m’adapte et change de projet si ma Muse me le demande. Je ne travaille pas sur Le lapin fou cette semaine si elle préfère travailler sur Le chameau amoureux. Par contre, la semaine d’après, ce sera Le lapin fou puisque je souhaite atteindre mes objectifs du mois. Aujourd’hui, ma Muse a besoin de dormir ? Je ne lutte pas contre sa demande de repos ; à différencier avec un moment de paresse qui se traite autrement. De toute manière, je serai beaucoup moins efficace si je l’oblige à rester éveillée plusieurs jours d’affilé. Et puis si elle dort toute la journée, demain, elle sera fraîche et dispose. 

♥ – Ma troisième constatation est la suivante : créer est une source de renouvellement intérieur, une joie, un outil de transformation, d’expression, d’alchimie personnelle. Attention, je ne dis pas que c’est facile, ou même toujours plaisant. Développer un métier créatif demande énormément de travail, de persévérance et de rigueur. Mais je vois dans l’acte de créer la racine du vivant et je tâche de me reconnecter avec cette part extraordinaire de la création chaque jour. Je célèbre toutes les petites étapes de chaque projet que je sers. J’honore la puissance créatrice et je fleuris l’autel de ma Muse aussi souvent que possible. Je m’abreuve au Lac des Merveilles. 

Noble pousse de séquoia, puisses-tu toi aussi nager vigoureusement dans les eaux de la créativité ! 

Fleuri l’autel, bâtir le nid de sa créativité

Et pour parachever cette réflexion, je dépose une pâquerette, un brin de sauge et une bougie argentée sur l’autel de nos Muses, 

Lumière sur ta journée ! 

Siècle 

Pile à lire jusqu’au ciel, année nouvelle !

Chère pousse de séquoia, je te souhaite une merveilleuse, sautillante, abracadabrante, pétillante, heureuse année 2021 – l’occasion d’un dernier bilan de lecture sur ce blog ! 

Mais avant d’évoquer ce florissant bouquet de livres qui m’a fait voyager jusqu’au 31 décembre, un petit point sur cette année d’écriture. Ce fut une année placée sous le sceau des mots avec : plusieurs rounds de corrections sur la trilogie de Nomorgames et sur la V2 de Plein-Ciel ; la concrétisation de ma collaboration avec Anouck Faure et le départ de notre roman illustré, La demeure des Mah-Haut-Rels, en recherche éditoriale ; le point final, le soir du Solstice d’hiver, d’un nouveau premier jet, Le Cri Soleil, dont vous trouverez ici la fiche fraîchement postée. Les projets d’écriture sont nombreux et ambitieux pour 2021 et j’espère que certains d’entre eux prendront la route pour rejoindre, une brasse après l’autre, la surface du monde. 

Razzia du mois d’octobre

Mais revenons à nos lectures d’automne et de début d’hiver : à l’heure du bilan, je constate que j’ai cette année beaucoup lu, pas loin de quatre-vingt livres – le moteur de la lecture ronronne donc au beau fixe et j’en suis très heureuse. Je compte bien continuer à dévorer des histoires en 2021, d’ailleurs j’ai fait des razzias pas toujours très raisonnables, mais ô combien satisfaisantes, dans la librairie indépendante de ma région – de quoi nourrir de nombreuses soirées hivernales au coin du feu ! 

Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés 

Le 31 décembre, après une lecture étalée sur deux bons mois, j’achevais cet essai époustouflant de Clarissa Pinkola Estés : Femmes qui courent avec les loups. A la fois recueil d’histoires contées, études des grands Archétypes féminins, mythe filé de la femme sauvage, cette œuvre psychanalytique, spirituelle, sociale, intemporelle, fondamentale et poétique nous invite à plonger aux tréfonds du Soi, à questionner les schémas qui jalonnent nos vies, les pièges dans lesquels nous nous empêtrons, les leçons à en tirer et les forces vives qui sont présentent en chacun-e de nous et dans les profondeurs de la conscience universelle. Une lecture coup de poing, qui questionne, absorbe, éclaire, un conte après l’autre, ces cheminements intérieurs que nous traversons.

L’analyse de contes tels que Barbe Bleue, La jeune fille sans mains ou Les chaussons rouges (et bien d’autres) est si percutante qu’on peut sortir troublé, exalté, éprouvé, enthousiasmé par cette lecture magistrale. Clarissa Pinkola Estés expose un savoir-racine à la lumière du jour, un savoir qui résonne. Profondément. J’ai apprécié ce savant mélange analytique, historique, spirituel, porté par l’art des conteurs et des conteuses auquel recourt l’autrice pour nous embarquer dans sa toile, mystique et universelle. Ce n’est pas la dernière fois que je lis Femmes qui courent avec des loups ; j’émerge de cette lecture avec des clés et la conviction qu’il y en aura bien d’autres à piocher au fil des années dans cette œuvre vibrante, vivante et sage : un immense travail de recherche, placé sous l’égide de l’écoute, de la traversée des ombres et de la puissance de la Déesse. Foncez courir avec les loups, vous n’en reviendrez pas indemne. 

Les Petites Reines de Clémentine Beauvais 

Une lecture fraîche, aiguisée, pétillante avec une narration menée sur des roulettes supersoniques ! La plume de Clémentine Beauvais est décidément inimitable. Je l’ai découverte cette année avec Brexit Romance et Songe à la douceur, et je suis impressionnée par sa manière de raconter osée, moderne, crue parfois, sensible et diablement fine : Les Petites Reines en sont l’exemple parfait. Dans cette histoire à destination des adolescents et bien plus, on parle de harcèlement scolaire, du courage d’être soi et de la force de l’amitié. Nous suivons les aventures de trois jeunes filles élues Boudins d’or, d’argent et de bronze par leurs camarades de classe. Menées par la charismatique Mireille, elles vont renverser la donne en partant pour Paris, à vélo, en vendant des boudins. Ce périple sportif sera suivi de près par les médias et nos cyclistes accueillies avec intérêt dans les villes où elles feront étape : une vraie leçon de dignité, pétrie d’humour et de piques qui visent dans le mille, avec des personnages attachants (mention spéciale pour Kader, le frère de la plus jeune des adolescentes qui les accompagne tout du long de leur aventure en fauteuil roulant). 

L’île aux mensonges de Frances Hardinge 

Également à destination des adolescents, mais dans un registre très différent, j’ai découvert l’autrice Frances Hardinge en lisant L’île aux mensonges : une lecture qui prend place dans un contexte historique ciblé (l’Angleterre victorienne) auquel s’ajoute une touche de fantastique qui frôle l’horrifique et une narration à suspens sur fond d’enquête. Faith, quatorze ans, est fille d’un pasteur, éminent naturaliste qui se retrouve en disgrâce et s’exile avec sa famille sur une île au large des côtes anglaises. A peine arrivé sur l’île, le pasteur meurt dans des conditions mystérieuses et Faith mène l’enquête, prête à tout pour comprendre ce père autoritaire qu’elle admirait autant qu’elle le craignait et auquel elle veut rendre justice. Le point de vue de Faith sur le monde qui l’entoure, ses parents, les possibles qui lui sont offerts ou interdits, est poignant ; l’évolution du personnage encore plus. On est emporté dans sa quête éperdue qui la mène au bord de l’abysse, par sa vive intelligence et les émotions, les déchirures qui la meuvent face aux questions de société, de religion et de science, et le carcan rigide du monde dans lequel elle grandit. Une très belle lecture. 

Œuvres complètes d’Emily Dickinson 

Très attirée par le peu que je connaissais de cette grande poétesse, j’ai décidé de plonger plus profondément dans son œuvre poétique grâce à cette édition bilingue anglais/français qui permet à la fois de déguster la plume d’Emily dans la langue originale (essentiel afin de percevoir la rythmique incroyablement précise de ses phrases) et en même temps de vérifier du côté de la traduction la compréhension de certains vers dont le sens parfois m’échappait. Il y a un ‘goût’ qui émane de ces poèmes courts, une justesse qui touche un je-ne-sais-quoi à la fois dramatique, somptueux et très simple. Des poèmes qui parfois se déposent, parfois transpercent et fleurissent là où il n’y a pas de mots. C’est une lecture que j’ai entamée en 2020, mais que contrairement aux autres, je suis loin de l’avoir achevée. Je picore une page après l’autre, un poème par-ci, un poème par-là et je compte bien être troublée par l’univers poétique d’Emily Dickinson tout du long de l’année 2021. 

Le Fort Intérieur, de Stella Benson, illustré par Anouck Faure 

J’étais, je l’avoue, très curieuse de découvrir ce roman de Stella Benson, illustré (superbement) par ma chère Anouck et paru aux éditions Callidor. Mention spéciale pour l’objet-livre, magnifique (papier, finitions, mise en page) – un travail éditorial hyper soigné et empreint d’une sensibilité artistique évidente. L’histoire se déroule pendant le conflit de la première guerre mondiale : Sarah Brown, jeune femme esseulée et endormie, va se rendre sur l’île Moufle où une sorcière pétulante et naïve l’accueille dans sa drôle de maison, le Fort Intérieur. Ce texte de Stella Benson est très étonnant : à la fois critique de la société contemporaine à l’autrice, mais également compatissant et poétique, on y baigne tantôt dans un bain de cocasseries absurdes, puis dans une profonde mélancolie. Les scènes s’enchainent comme des tableaux qui nous laissent en suspension dans un entre-deux hésitant ; une expérience de lecture unique avec une vision des sorcières et de la sorcellerie (baignée d’innocence) vraiment séduisante. 

La Belle Sauvage, premier tome de la Trilogie de la Poussière, de Phillip Pullman 

Une très grande joie que cette lecture-ci. J’ai replongé dans l’univers de la Croisée des mondes avec appréhension. Je craignais quelque peu cette ‘suite’ qui aurait pu me décevoir et teinter la trilogie originelle que j’avais tant aimé d’une couleur moins plaisante. Il n’en a rien été. Ce premier tome de la Trilogie de la Poussière m’a totalement embarquée (c’est le cas de le dire) sur son canoë. Dix années avant les événements de la Croisée des mondes, Malcom Polstead, onze ans, enfant généreux, intelligent et curieux vit avec ses parents aubergistes dans l’auberge de la Truite. Il va se prendre d’affection pour la petite Lyra, ce bébé accueilli dans des circonstances étranges par les religieuses qui vivent de l’autre côté du fleuve. Alors que la menace d’une inondation de grande ampleur gronde, les événements vont se précipiter, poussant le jeune Malcom à affronter des ennemis qui ne sont pas de son âge ou de son temps pour protéger l’enfant de ceux qui la convoitent. Un texte d’une narration exquise. On y retrouve le monde de Lyra, les daemons qui en sont l’indubitable apanage, et de nombreux personnages de la première trilogie. Outre l’univers génial construit par Philip Pullman, ce premier tome est porté par un personnage doux, mais déterminé, extraordinairement attachant. Je me plonge dès à présent dans le deuxième tome de la trilogie avec ferveur et je vais trépigner en attendant la sortie du troisième opus. Si vous aimez Pullman, n’hésitez pas, plongez ! 

Etés anglais, la saga des Cazalet, d’Elizabeth Jane Howard 

Parce que cet article se trouve décidément sous le signe de l’Angleterre, j’ai fait une petite excursion du côté des Cazalet : saga familiale qui se déroule dans le contexte de la seconde guerre mondiale, cette série en quatre tomes, me semble-t-il, est encore en cours de traduction en langue française. On y suit le quotidien d’une famille aisée en Angleterre sur trois générations. Ce portrait vivant, tendre mais sans concessions, fait la part belle aux enfants, aux adolescents et aux femmes de cette famille dont l’autrice croque les préoccupations avec une justesse frappante. On retrouve dans ce premier tome une ambiance à la Downtown Abbey, saupoudrée du contexte historique et de l’arrivée imminente de la guerre qui s’apprête, on le sent bien, à bouleverser les destinées des uns et des autres. Une lecture fleuve qui nous emporte facilement au cours de mille et une scénettes dont certaines, marquantes, restent longtemps à l’esprit. 

Sous la lumière d’Hélios de Dominique Lémuri 

Je terminerai cet article en vous parlant d’un roman pour lequel j’ai un attachement tout particulier car j’ai eu la chance et le plaisir de le bêta-lire de bout en bout, il y a déjà quelques années de cela. Sous la lumière d’Hélios, sorti en septembre 2020 aux éditions Armada, est un roman de Science-Fiction qui mêle intelligemment les éléments du voyage dans l’espace, la découverte d’un nouveau monde, ici une planète entière avec sa faune et sa flore, et la rencontre d’une multiplicité de cultures, de technologies, de visions et de modes de vie. On suit les aventures de Clara qui a dû quitter la Terre à la dernière minute pour s’embarquer sur un vaisseau de colons à destination d’Eltanis, une planète sur laquelle les voyageurs ont prévu de s’implanter. Mais voilà qu’en arrivant sur place, ils sont accueillis par d’autres colons, partis plus tard de la Terre, mais bénéficiant d’avancées technologiques qui leur ont permis d’arriver avant eux. La cohabitation recèle son lot de challenges. En plus de quoi, se manifestent sur Eltanis d’autres formes de vies alien, aussi fascinantes qu’inquiétantes, qui mettront chacun face à ses convictions éthiques. Suivre la très touchante (et badass !) Clara dans sa découverte d’Eltanis, c’est s’embarquer dans une aventure étourdissante au sein d’un décor fabuleux, riche de mille nuances et d’autant de questions sociales et humaines.

Mention spéciale numéro un pour la galerie de personnages secondaires très travaillés. Mention spéciale numéro deux pour le portfolio de savoureuses illustrations réalisées par le talentueux JMX intégré dans le livre papier. Mention spéciale numéro trois pour la poésie, la densité humaine et le regard brodé d’émerveillement de Dominique Lémuri sur le monde d’Eltanis et la destinée de Clara. 

Et pour ne pas perdre les bonnes habitudes, chère pousse de séquoia, huit titres sont venus enrichir ma gigantesque Pile à Lire !

★ – Morwenna, de Jo Dalton qui m’a été recommandé par un Ours Sage et féru de miel de ma connaissance 

★ – La fileuse d’argent de Naomi Novik, dont j’ai entendu parler à de nombreuses occurrences sur la toile et dans laquelle j’espère me plonger prochainement.

★ – Je suis décidément dans une période Phillip Pullman et le retour enthousiaste d’Anaïs La Porte m‘a convaincue de lire son ouvrage sur l’écriture, Daemons Voices

★ – Sur le conseil d’une amie écrivaine, je vais aussi lire Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery, faisant une pierre deux coups en acquérant l’un des magnifiques ouvrages de la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture. 

★ – Après un épluchage minutieux du dernier catalogue de ma librairie indépendante, se sont rajoutés à ma pile à lire : Betty de Tiffany MacDaniel, Lumière d’été, puis vient la nuit de Jon Kalman Stefansson et Rassemblez-vous en mon nom de Maya Angelou 

★ – Noël m’a apporté au pied du sapin deux des publications récentes de Benjamin Lacombe dont j’adore les illustrations : La famille Appenzel et Esprits et Créatures du Japon dans lesquelles je vais me plonger avec bonheur. 

★ – Sur la chaine youtube De quoi ça parle ? j’ai été interpellée par le pitch de Li Cam sur son livre Résolution, et je le rajoute dans mes intentions de lectures à venir. 

★ – Enfin, un album jeunesse me fait de l’œil depuis un petit moment et je le dépose subrepticement dans un coin de ma liste : Le Dernier des Loups, de Sébastien Pérez et Justine Brax. 

Razzia du mois de décembre

2021 commence donc sous de joyeux auspices ! 

Très chère pousse de séquoia, je dépose sur ton chemin une fleur givrée, un parfum d’aventure et les teintes d’or hivernales dont je ne me lasse décidément pas. 

Lumière sur ta journée, 

Siècle 

Boire à la source de regards lumineux

Visiteuse solaire, visiteur lunaire, pousse étoilée de séquoia, mes gracieuses salutations ! 

Aujourd’hui, j’ai le plaisir de partager avec toi une pioupioutade sur les inspirations de ma muse-dragonne. Comme tu l’auras remarqué de-ci de-là sur ce blog, j’accorde une importance toute particulière aux paires de lunettes que nous posons sur le monde.

Il est vrai que beaucoup de choses ne sont pas entre nos mains dans la grande aventure planétaire et que nous ne choisissons pas toujours les événements qui jonchent notre vie. Cependant, nous conservons une liberté essentielle : le regard que nous posons sur ce que nous vivons et la manière dont nous élaborons/nourrissons/sculptons notre relation au monde. C’est pourquoi, il me semble essentiel de définir avec soin les énergies, les personnes ou les astrographes qui viennent infuser notre quotidien et les pattes griffues (mais charmantes) de nos muses. 

Les charmantes pattes griffues de ma muse-dragonne

Voici donc, sans tergiverser davantage, quelques sources positives auxquelles je m’abreuve régulièrement de beauté créative, d’idées optimistes ou de perspectives-ouvreuses-de-portes-qui-n’existaient-pas-avant-dans-mon-univers. Pioche joyeusement dans ces multiples liens et fenêtres de la toile, si l’inspiration t’en dis !

Des artistes plurielles et inspirantes 

Aemarielle 

Je te parlerai en premier d’une artiste dont j’aime tout autant les illustrations et les thématiques de travail que la démarche généreuse et sincère sur les réseaux sociaux.  

Aemarielle a quitté son emploi salarié en 2020 pour lancer son activité artistique à plein temps. Sous son crayon trempé dans le lac aux merveilles fleurissent déesses, nymphes, créatures des bois, femmes fatales au sourire rouge ou au regard d’aube – ces archétypes du féminin inspirent et illuminent les murs et les autels secrets de celles et de ceux qui acquièrent l’une de ses œuvres.  

Aemarielle partage son processus créatif sur son blog et sur les réseaux et c’est un vrai moment de méditation de la regarder peindre ses aquarelles au fil d’une vidéo youtube. Son rayonnement à la fois puissant et serein fait de chacun de ses messages une perle positive qui illumine ma journée.

Cerise sur le gâteau, nous entrons dans les coulisses du métier d’artiste-auteur au travers de certaines de ses vidéos un peu plus techniques (dans lesquelles elle nous explique les étapes administratives qui jalonnent son activité). Pour celles et ceux qui n’osent pas se lancer ou doutent de leur légitimité, le partage d’expérience d’Aemarielle est une véritable invitation à plonger dans leur propre créativité ! 

Florieteller 

Florie Vine alias Florieteller est une artiste plurielle et mentor créative qui explore les possibles avec optimisme en mode slow et cosy, et le plus souvent une tasse de thé chaud à la main !  

Sur son site internet, Florie partage ses créations plastiques et littéraires (j’adore ses petites planètes à l’aquarelle et les instants saisonniers qu’elle capture en quelques traits). Elle nous propose également d’explorer des outils tels que le voyage créatif, le projet 24 saisons, ou encore le kit slow pour nous aider à revenir à l’instant présent. 

Et ce n’est pas fini puisque sur son blog, on trouve un contenu riche et varié composé d’articles, de Bulles Nomades ou encore de vidéos youtube, dans lesquels elle aborde des sujets tels que : comment développer sa créativité de manière authentique et ludique ? Comment adopter un mode de vie qui nous correspond, plus conscient et donc plus libre ? Comment gérer notre rapport au temps, à la simplicité ? Comment cultiver la gratitude et prendre le temps de s’émerveiller ? 

Des orientations de vie écologiques, communautaires, enthousiasmantes 

Je m’intéresse aux habitats alternatifs ; à visée écologique ; aux lieux originaux, créatifs ; qui s’inscrivent dans la nature ou dans une démarche de vie communautaire. Aussi, je grignote régulièrement des vidéos de ‘tiny houses on wheels/micromaisons sur roues‘ – ces habitations mobiles qui permettent à la fois une vie plus proche de la nature, une approche consciente des objets et de la consommation, de l’impact environnemental de notre mode de vie, et une exploration de nouvelles options (nomade, communautaire, off the grid) passionnantes.  

Living Big in a Tiny House 

Bien entendu, j’ai plongé la tête la première dans les vidéos (en langue anglaise) de Bryce Langston & Rasa Pescud de la chaîne youtube Living Big in a Tiny House qui sont superbement filmées et bourrées de détails ingénieux et d’humanité. En voici quelques-unes : 

Tiny house Livingston

Du côté français de la Tiny, on peut également suivre les pérégrinations de la chaîne youtube ‘Tiny house Livingston’. Vous pouvez avoir un rapide aperçu de l’ambiance à bord de la Tiny Livingston avec cette courte vidéo d’introduction : 

https://www.youtube.com/watch?v=hPp234v3cQ8

Les Cahutes

Histoire de faire d’une pierre deux coups, la chaîne Tiny house Livingston nous propose une interview de Thomas, le créateur des Cahutes, ces micro-maisons-caravanes de fabrication artisanale, écologique et homologuée en Europe : autonomie ; facilité de déplacement ; faible impact environnemental ; habitat modulable ; communauté de vie – un projet fascinant à découvrir ici : 

Sorcières et fées : plonger ses racines dans la magie de la nature et le retour au berceau créatif intérieur 

Maintenant que je t’ai inondé de délicieuses Tiny Houses en tous genre, chère visiteuse, vaillant visiteur, plongeons si tu le veux bien dans la sorcellerie préférée de ma muse-dragonne, celle qui fait frémir ses griffes et ses ailes, celle des Fées-Sorcières du monde moderne qui partagent, grâce aux réseaux sociaux, un je-ne-sais-quoi-ancestral de l’appel de la nature et des élans créatifs qui nous animent.

C’est toujours avec beaucoup d’émotion que je regarde les vlogs ou partages vidéos (en langue anglaise) de ces deux jeunes femmes, artistes et sorcières, qui très certainement courent avec les loups. Profondément connectées aux chants secrets de la nature, leur démarche de vie, leur lumière profonde et leur recherche de sens mise en application au quotidien est une véritable inspiration. 

Annabel Margaret

J’ai découvert Annabel Margaret grâce à Florieteller que j’évoquais plus haut : au travers de ses deux chaines, The Green Witch et Daughter of Old, Annabel partage son quotidien et sa relation aux plantes, aux saisons qui passent, dans des vidéos d’un esthétisme et d’une sérénité merveilleuse. Elle y transmet également quelques unes de ses recettes de sorcière verte, de cuisine et de médecine naturelle – c’est pour moi toujours apaisant et enracinant de déguster l’une de ses vidéos. 

Jonna Jinton

Découverte beaucoup plus récente, mais toute aussi envoûtante : Jonna Jinton est une artiste et photographe suédoise qui a tout quitté au début de sa vingtaine pour vivre dans un petit village au nord de la Suède. De la même manière qu’Annabel, ses vidéos, véritables bijoux visuels, nous permettent (à travers des lunettes en forme d’aurores boréales) de goûter une nouvelle fois à la force du monde naturelle et à celle du monde intérieur.

Mantras musicaux 

Pour rester dans la même veine ensorcelante, je terminerai cette pioupioutade par un mot sur les mantras musicaux : j’approfondis, dans ma pratique personnelle, les bienfaits des mantras chantés et dansés, ces boucles aux paroles sacrées, cheminements et cercles qui nettoient, relient, réenchantent, apaisent, revivifient.

Le mantra Gāyatrī provient du Rig-Veda, texte ancestral de l’Hindouisme. Il s’agit d’une invocation au soleil, et plus largement à la lumière de Ce Qui Est, l’Être divin, l’Existence qui illumine nos consciences. 

En voici les paroles (translittération du sanskrit) : 

Oṃ bhūr bhuvaḥ svaḥ 

tát savitúr váreṇyaṃ 

bhárgo devásya dhīmahi 

dhíyo yó naḥ pracodáyāt 

Chère pousse de séquoia, alors que tu t’élances vers les étoiles, je te laisse en compagnie de ces deux belles interprétations musicales du mantra Gāyatrī, chacune teintée de sa propre couleur invisible et savoureuse. 

Light of Your Grace – Sam Garett

Deva Premal et Miten with Manose : Gayathri mantra

Lumière sur ta soirée, 

Siècle 

La demeure des Mah-Haut-Rels, roman illustré et collaboration à quatre mains

Chère visiteuse, cher visiteur, noble pousse de séquoia, 

Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’inaugurer sur ce blog une nouvelle catégorie dans laquelle je parlerai de mes projets de romans et de leurs péripéties vers la surface du monde ! 

Cet article sera consacré à La demeure des Mah-Haut-Rels, mon premier roman achevé (d’un point de vue chronologique) et un texte cher à mon coeur.  

Logo des Mah-Haut-Rels by @Aemarielle

Les prémices des Mah-Haut-Rels 

J’ai écrit le premier jet de ce roman durant l’année 2013, à raison d’un chapitre par semaine. Avant de m’atteler à ce projet, j’avais déjà travaillé sur d’autres histoires, beaucoup appris grâce aux retours de relecteurs et de relectrices, mais je n’avais encore jamais posé le point final d’un texte long (un moment symboliquement fort). 

En 2014 et 2015, j’ai bénéficié du regard avisé de plusieurs bêta-lecteurs et bêta-lectrices sur cette première version du roman, effectué une passe de corrections, tenté une timide vague de recherche éditoriale en envoyant le manuscrit à une poignée de maisons d’éditions : j’ai reçu plusieurs refus détaillés, dont certains très encourageants qui m’ont notamment amenée à reprendre les corrections et développer un arc narratif resté jusque-là succinct. Durant ces deux années, j’ai travaillé en parallèle sur les premiers tomes de ma trilogie Young Adult, qui fera certainement l’objet d’un article de blog ultérieur ; et entamé un roman aux thématiques plutôt sombres que j’ai finalement pris la décision de ne pas terminer. 

En 2016, j’avais suffisamment trifouillé mes histoires pour établir des points de comparaison (format, public, tonalité narrative) et comprendre que chacune d’entre elles aurait ses exigences spécifiques (les histoires sont parfois d’élégantes damoiselles au cœur chaud et à l’esprit aiguisé) : j’ai donc suivi l’intuition qui me chatouillait les neurones…. 

Nos histoires, ces élégantes damoiselles à l’esprit aiguisé et au coeur chaud

Image par 2211438 de Pixabay

Du manuscrit au roman illustré à quatre mains ! 

La demeure des Mah-Haut-Rels est un conte poétique et initiatique qui se déroule dans un univers post-apocalyptique composé d’eau et de vents. Cette histoire, je le sentais bien, avait besoin d’images ; il lui manquait une part essentielle qui ne venait pas de moi.  

Cependant, le Dieu des Pious et les Muses-Dragonnes faisant très bien les choses, je savais qui recelait cette part de l’histoire en son sein ; j’ai donc contacté Anouck Faure aka Amaryan dont j’admirais l’extraordinaire travail artistique et la patte graphique aussi sensible que puissante.  

Rivages enracinés – Anouck Faure

Anouck Faure est une plasticienne, illustratrice et graveuse qui explore tout autant l’imaginaire et ses multiples facettes que les racines du monde végétal. Sa relation à l’océan et à l’élément aquatique, représenté dans plusieurs de ses œuvres, et la dimension spirituelle et poétique de sa création touchaient aux mêmes cordes émotionnelles que celles sous-tendant l’histoire des Mah-Haut-Rels

Baleine bleue – Amaryan/Anouck Faure

J’avais dans l’idée de lui commander quelques illustrations mettant en scène les personnages ou scènes clés de l’histoire ; elle a accepté de lire le manuscrit, puis d’en explorer le potentiel visuel. La rencontre entre Regard, Venise, Reine et Anouck a confirmé mon intuition : ils étaient faits pour se comprendre et naviguer dans la même embarcation.  

Alors, ils ont pris le large…  

Cependant, plus Anouck ‘croquait’ les éléments de l’histoire, cherchant à en définir les contours visuels, moins ce travail de « commande » lui paraissait réalisable. Elle est finalement revenue vers moi pour me dire que les personnages lui parlaient directement, suscitant une vision plus large que celle d’une commande en quelques illustrations. De plus, elle se trouvait à une charnière de sa propre création artistique, charnière qu’il lui semblait nécessaire de franchir pour rencontrer la « voix visuelle » des Mah-Haut-Rels

Sa relation au roman m’a émue, puisqu’au-delà de ma volonté personnelle, je sentais depuis longtemps Reine, Venise et Regard l’appeler de leur timbre océanique. 

Je lui ai donc proposé de renoncer à ce travail de commande, de se consacrer toute entière à cette exigeante charnière créative qu’elle expérimentait et si elle le voulait, un jour, de faire du texte des Mah-Haut-Rels une collaboration à quatre mains qui prendrait une forme bien différente de la poignée d’illustrations envisagées à la base. 

Tout vient à point à qui sait attendre… 

Image par Peter H de Pixabay

Les années ont passé, j’ai continué à travailler sur d’autres romans, et Anouck à explorer la gravure, les outils numériques, l’aquarelle et le dessin. Fin 2017, je signais avec mon agente, Roxane Edouard, qui représente désormais l’ensemble de mon travail d’écriture, et nous décidions d’améliorer ensemble ma trilogie Young Adult, pour commencer. 

En 2019, les muses océaniques ont finalement sonné l’heure des Mah-Haut-Rels dans leur bigorneau nacré : Anouck était prête à s’immerger dans le travail d’illustration, Roxane à prendre notre projet sous son aile. Nous avons préparé ensemble une maquette et un dossier de présentation à l’intention des éditeurs qui pourraient vouloir porter cette histoire à nos côtés.  

Nous voilà à la fin de l’année 2020. La demeure des Mah-Haut-Rels devient officiellement un projet de roman illustré à quatre mains au sein duquel nous collaborons dans une belle osmose créative.  Notre dossier est prêt et Roxane l’emportera en fin d’année à la recherche de son éditeur ou de son éditrice. Comme quoi, longue est l’attente sous la surface de l’iceberg, mais chaque coup de palme nous rapproche de la surface ! 

L’écrivain, cet perpétuel iceberg en expansion !

Au-delà de la publication effective d’un texte, ce qu’il y a de précieux dans l’écriture d’une histoire, ce sont toutes ces étapes qui précèdent : les échanges si riches avec les relecteurs et bêta-lectrices, les ami-e-s écrivain-e-s, les rencontres autour du texte et dans le texte avec nos propres personnages qui nous apprennent beaucoup ; les relations qui se tissent entre les mots, les images et les visions créatives, et bien entendu entre les personnes lors d’une collaboration.

Un aperçu de notre projet de ‘roman illustré’ ! 

Noble visiteuse, visiteur attentif, tendre pousse de séquoia, je te laisse sur quelques morceaux choisis de la note d’intention de notre dossier, accompagnée d’une brassée de doubles pages illustrées par ma si talentueuse Anouck. 

La demeure des Mah-Haut-Rels se situe à la frontière du roman d’imaginaire et du conte philosophique. On y suit la quête initiatique de trois personnages dans un monde en perpétuel mouvement, composé d’eau et de vents. Cet univers post-apocalyptique s’imprègne d’une dimension poétique, rythmée par les éléments de la nature.  

La demeure des Mah-Haut-Rels – ‘Rencontre avec Venise et Reine’

Nous avons voulu représenter ce mouvement (à la fois instabilité du monde et cheminement intérieur) par un entretissage organique des mots et des images au service des thématiques de l’histoire. Tout au long de la narration, l’océan et le ballet des vagues forment un écrin visuel qui accentue et enlumine la trajectoire des personnages.  

Nous avons travaillé sur une maquette principale développant sur environ 300 pages cette relation et ce jeu de réponses entre texte et illustrations. Le travail typographique réalisé en parallèle met en exergue certains passages du texte et renforce la synergie entre récit et image.  

La demeure des Mah-Haut-Rels – ‘Le vol des elmonanges’
La demeure des Mah-Haut-Rels – ‘Le Commandant’

Lumière sur ta journée ! 

Siècle 

Fin de l’été, délices de papier

Bien le bonjour à toi qui effleure d’un œil curieux ces quelques mots,

Petit bilan de lecture en cette fin d’été alors que les figues mûrissent sur le figuier et que l’herbe sèche attend la prochaine averse. Du fond de mon hamac, j’ai (encore) dégusté de chouettes histoires, toutes plus différentes les unes que les autres. En voici quelques-unes :

The Binding de Bridget Collins

On commence par The Binding de Bridget Collins que j’ai lu en anglais, il existe également une traduction française sous le nom suivant : Les livres d’Emmett Farmer.  Si vous lisez en anglais, cependant, n’hésitez pas à vous plonger dans la version originale, car la poésie de la langue et la manière dont l’autrice tisse sa narration au charme envoûtant sont l’un des gros atouts de ce livre. The Binding est un petit bijou émotionnel avec une touche de fantastique, une touche seulement qui fleurit au cœur de ce roman comme un dangereux secret et en imprègne les pages de la première à la toute dernière.

Voici un bref aperçu de l’histoire : dans le monde d’Emmett Farmer, il existe un art, une sorcellerie qui permet d’enfermer un souvenir, une mémoire douloureuse dans un livre. La personne ainsi liée se voit délivrée de cette mémoire encombrante et repart vivre sa vie plus légère, mais plus vide aussi, manquante d’une part d’elle-même : est-ce un service, un soin que procurent les étranges enlivreurs qui pratiquent cet art, ou plutôt une drogue, un outil dont abusent les puissants pour effacer leurs actes de la mémoire des autres ? Emmett, Alta et Lucian sont pris dans les mailles de cette malaisante sorcellerie ; on vibre avec eux, pour eux à chaque instant, la gestion du suspens et de l’émotion est impeccable. Conte gothique, histoire d’amour passionnelle, histoire de mémoire aussi et d’identité, The Binding est un livre qui reste longtemps imprimé dans le cœur. 

J’ai poursuivi mes explorations estivales avec un auteur que je souhaitais découvrir depuis longtemps, un auteur qui fait le pont entre littérature chinoise et française : François Cheng. 

L’éternité n’est pas de trop et Et le souffle devient signe de François Cheng

L’éternité n’est pas de trop est un roman d’une grande douceur poétique qui nous raconte l’histoire d’un homme qui revient dans la ville où, longtemps auparavant, il a rencontré une femme (qu’il n’a fait qu’apercevoir) et n’a depuis cessé d’aimer. Cette femme a vieilli, elle est désormais mariée, meurtrie par la vie et inaccessible ; malade. Cet homme qui est aussi un soigneur du vivant va patiemment se mettre à l’écoute de celle qu’il aime. Réflexion sur la nature de l’amour, de la sagesse, de la vie, cette histoire qui serait presque une parabole nous parle autant de la violence du monde que de la délicatesse et de la profondeur du cœur humain. 

Et le souffle devient signe n’est pas un roman à proprement parler mais un recueil très personnel des calligraphies de François Cheng : l’auteur y témoigne de cette philosophie du souffle qui a guidé sa vie et son écriture de calligraphe. Il nous parle de la calligraphie, pratique profondément spirituelle aussi puissante qu’intérieure, aussi spontanée que longuement creusée par des dizaines d’années à contempler la page blanche, à écouter ce souffle du vivant pour s’en laisser traverser. C’est un livre qui se contemple une page à la fois plus qu’il ne se lit, et qu’on peut ouvrir un peu au hasard des jours à l’endroit qui nous appelle pour en goûter la poésie et la sagesse, pour recevoir le signe là où, en nous, il n’y a plus de mots. 

Combattre de Thich Nhat Hanh

Pour continuer sur la vague des lectures spirituelles/de développement personnel/lectures Univers (choisissez votre terme préféré), j’ai lu Confrontation : un petit (par la taille) livre du moine bouddhiste vietnamien Thich Nhat Hanh – l’un des initiateurs du bouddhisme zen et de la pleine conscience en occident : paroles, respirations, prises de recul, ouverture à la compassion profonde pour aider à mieux dialoguer/vivre les relations conflictuelles et comprendre ce qui se joue derrière. Là aussi, un livre qui peut s’ouvrir ‘au hasard’ quand l’appel s’en fait sentir pour y piocher la sagesse nécessaire à la journée vécue. 

L’Atelier des Sorciers de Kamome Shirahama

Changeons de cap avec la lecture des six premiers tomes (série toujours en cours) d’un adorable manga appelé L’Atelier des Sorciers – condensé de richesse visuelle, de douceur, d’ingrédients/créatures trop mignon-ne-s (oui, je pense à toi ver-pinceau !) : on y suit les aventures du maître sorcier, Kieffrey, et de ses quatre apprenties. Sous couvert d’imaginaire, de légèreté et d’une bonne dose de feel-good, la mangaka Kamome Shirahama évoque les cheminements qui s’offrent à chacun et chacune en grandissant, les blessures qui forgent l’évolution des enfants, mais aussi la possibilité de changer sa trajectoire et l’importance de l’entraide et du regard bienveillant des aînés pour avancer. 

Et pour rester dans les belles images, j’ai découvert le roman graphique Peau d’Homme

Peau d’Homme de Hubert et Zanzim

Lecture engagée, féministe, humoristique et bourrée de petites piques mordantes ou tendres sur les traditions, les carcans sociaux ou de mœurs qui enferment et forgent la vision du monde. Dans cette histoire, Bianca, jeune fille mélancolique qui s’apprête à se marier se voit offrir par sa tante une ‘peau d’homme’ que les femmes se transmettent dans sa famille de génération en génération. En enfilant cette peau d’homme, Bianca va pouvoir découvrir le monde d’un point de vue masculin, les contradictions, les injustices et les libertés qu’il recèle. Très chouette roman graphique, résolument positif, tourné vers l’ouverture et la liberté, ou du moins la libération ; un bol d’air frais accompagné d’une patte graphique audacieuse et pleine de vie. 

Dans le cadre de mes explorations de la collection Exprim’ de Sarbacane, j’ai dernièrement lu Des Astres de Séverine Vidal, Brexit Romance de Clémentine Beauvais (de belles lectures) et le frais, pétillant, que dis-je, complétement déjanté Falalalalaaalalalala d’Emilie Chazerand. 

Falalalalaaalalalala de Emilie Chazerand

Falalalalaaalalalala, c’est une plongée dans l’Alsace, ses idiomatiques, sa culture culinaire et festive, la belle Strasbourg et l’esprit de Noël ; c’est aussi un roman « jeune adulte » (et plus !) qui parle de famille, de différence, de joie de vivre, de trouver sa place, qui parle d’amour sous mille formes différentes. Richard, grand gaillard de dix-neuf ans (approchant les deux mètres, si, si, c’est important^^), est le seul homme de la famille Tannenbaum, une famille composée de sa mère, grand-mère, grande-tante, tante et cousines, toutes naines.

Les Tannenbaum vivent ensemble et travaillent ensemble au sein de l’entreprise familiale : spécialités alsaciennes, calendrier de l’Avent, ferme d’animaux miniatures… pas exactement facile pour Richard de trouver sa place dans ce microcosme auquel il appartient, mais qui ne lui ressemble guère. Et puis il y a Lulu, la cousine préférée de Richard à qui on diagnostique un problème au cœur, diagnostique qui va amener son lot de bouleversements chez les Tannenbaum. J’ai beaucoup ri avec cette lecture défrisante et décapante, qui ne recule devant rien et laisse un goût de bredele en bouche et une bonne dose de tendresse pour le genre humain. 

Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? de Christiane Singer

Encore (et toujours), j’ai été transportée par la plume de Christiane Singer avec Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? qui vient nous chercher jusqu’aux tréfonds pour poser les grandes questions de la vie. Le regard de Christiane Singer n’accorde aucune concession, aucune marge de négociation ; on va droit à l’essentiel, droit au cœur dépouillé de ses illusions, mais baigné dans un amour du vivant, du vibrant, de l’indicible lumineux  si fort que c’est un dépouillement, un questionnement dont on redemande, bien qu’il ne laisse jamais indemne. Tout est dans ce merveilleux titre : ‘Où cours-tu ? Ne sais tu pas que le ciel est en toi ?’ En voici deux petits morceaux pour sentir sous les dents la texture de la parole de cette merveilleuse femme. 

Enfin, j’ai fait une génialissime découverte, ces derniers mois, en écoutant, chantonnant, mordillant, rythmant, la comédie musicale du très talentueux Lin-Manuel Miranda : Hamilton, inspirée de la biographie d’Alexander Hamilton écrite par l’historien Ron Chernow en 2004.  

Hamilton, the Musical, de Lin-Manuel Miranda

Musicalement, c’est génial d’audace, de mélange de genres ; une virtuosité des rythmes et des rimes, des harmonies superbes et des catchphrases, leitmotivs et refrains qui entretissent les quarante-huit morceaux en une splendide pièce musicale. Le cast original de Broadway est à tomber avec une complicité, une vivacité et un talent fou. Et tout cela sans parler du thème, improbable pour une comédie musicale : la vie d’Alexander Hamilton, père fondateur des Etats-Unis d’Amérique, juriste constitutionnaliste, homme politique et financier, officier militaire américain.  

En voici la bande-annonce, régalez-vous ! 

Et ici vous trouverez les 48 pistes de la comédie musicale Hamilton en libre écoute sur youtube :

Et joie, velours et falalalalaaalalalala, de nouveaux titres se sont ajoutés à ma Pile à Lire éternelle et grandissante. Voici sept d’entre eux : 

★ – Pour rester en lien avec ma plongée hamiltonienne, j’ai décidé de lire le Gmorning, Gnight!: Little Pep Talks for Me & You de Lin-Manuel Miranda, une collection de réflexions personnelles et positives partagées au quotidien sur les réseaux et rassemblées dans ce livre. 

★ –  Je voudrais lire aussi Le jardin des roses de Saadi, recueil de contes poétiques transmettant les enseignements de la philosophie soufie à laquelle je m’intéresse. 

★ – Se sont invitées sur ma pile à lire les Lymond Chronicles de Dorothy Dunnett sur lesquels Isabelle Bauthian ne tarit pas d’éloges, ce qui m’a donné très envie de m’y plonger. 

★ – A lire tout bientôt, je l’espère, le Fort Intérieur de Stella Benson, publié aux éditions Callidor et merveilleusement illustré par ma chère Anouck Faure

★ – Cela fait trèèèèès longtemps que ce titre aurait dû entrer sur ma liste, et l’y voilà enfin, une lecture qui promet de dépoter : Femme qui court avec les loups, histoires et mythes de l’archétype de la femme sauvage de Clarissa Pinkola Estès 

★ – Après avoir butiné le fascicule d’été des librairies indépendantes de ma région, se sont ajoutées sur ma liste : Colton song du Collectif Black Bone et Les toits du paradis de Mathangi Subramanian. 

★ – J’envisage de mâchouiller plusieurs volumes de la BD Tank Girl d’Alan Martin et Jamie Hewlett, dont j’ai découvert le personnage éponyme par le biais d’une certaine Iphigénie – et il s’agit d’un personnage que je voudrais creuser. 

Chère visiteuse, cher visiteur, je te laisse à tes propres lectures et dépose une fleur de glycine fraichement cueillie sur ton front. 

Lumière sur ta soirée, 

Siècle 

Histoires printanières

Chère pousse de séquoia, je t’espère tourbillonnante (et légèrement dorée sur la tranche) en cette fin de saison.

Ce fut, de mon côté, un printemps riche en séances d’écriture et en lectures délicieuses. Cerise sur le gâteau, le mois dernier, j’ai profité de la réouverture des librairies pour faire une commande à la librairie indépendante de ma ville : je viens de récupérer mon butin – de longues heures de papier magique se profilent devant moi et j’en sautille de joie !

C’est l’occasion d’un petit bilan sur Heart Shaped Glasses Theory et je vais te parler de sept histoires qui m’ont marquée durant ce printemps.

On commence avec un titre qu’on ne présente (presque) plus :

La Passe-Miroir de Christelle Dabos

Il s’agit d’une série de fantasy française en quatre tomes, dont le dernier opus est paru en fanfare à la fin de l’année 2019 chez Gallimard. J’ai lu ce tome 4, intitulé La Tempête des Echos, au début du printemps (j’ai attendu un peu quand même, parce qu’après, il n’y en a plus^^). La Passe-Miroir fait partie de ces séries qui détonnent par l’originalité de leur histoire autant que par celle de leur univers ; un univers pétri d’une richesse d’imaginaire foisonnante où s’agencent éléments créatifs, humoristiques, merveilleux et symboliques. L’écriture de l’autrice est à la fois prenante et légère comme une mousse montée en neige. On trouvera dans cette histoire : un monde fragmenté en Arches flottantes, des automates et des oranges, une Victoire, des pouvoirs en forme de griffes et des doigts sans gants, des esprits de famille, étranges créatures qui bercent le récit de leur présence mystérieuse, et une héroïne maladroite, brillante, émouvante qui nous embarque avec elle dans un enchainement de péripéties et de jeux de miroirs, à ne plus distinguer l’endroit de l’envers, la question de la réponse, ni le « je » du « moi » – une lecture pour les férus de contes et de fantasy à la sauce magicolewicarrolesque.

Toutes les lectures qui se suivent ne se ressemblent pas, en voici une d’un goût très différent qui m’avait été recommandée il y a fort longtemps par Amzil-à-la-langue-d’or :

L’allée du Roi de Françoise Chandernagor

Un roman baigné d’Histoire qui nous offre le récit des mémoires imaginaires de Madame de Maintenon, la seconde épouse de Louis XIV : une lecture fascinante, qui ressemble à une biographie historique tant elle est bien documentée et tant la langue maniée par Françoise Chandernagor nous immerge dans la France du XVIIe siècle et le règne du Roi-Soleil. Madame de Maintenon, femme charismatique, séduisante et spirituelle, profondément maternelle sans jamais être mère, humble et fière, éprise de liberté et d’intelligence, cherche et forge sa place dans le monde ; elle nait en prison, épouse le poète Scarron, gravite autour de la cour et des courtisans dont elle va progressivement rejoindre les rangs jusqu’à devenir la préceptrice des enfants royaux et partager le quotidien du roi de France. Si ces mémoires de Madame de Maintenon sont imaginaires, elles ne sont pas romancées, mais d’un très grand réalisme ; ce monde du XVIIe siècle nous apparait certes passionnant, mais d’une dureté aux accents tragiques sous la dorure.

Après la France de Louis XIV, je suis partie explorer d’autres horizons avec :

L’Homme qui savait la langue des serpents d’Andrus Kivirähk

Excellent roman de l’écrivain estonien Andrus Kivirähk : déroutant, intrigant, provocateur, une histoire empreinte de réalisme magique et de légendes scandinaves, à la fois humoristique, mordante, nostalgique et très intelligente, satire sociale qui ne s’ignore pas : on y suit le récit de vie du dernier homme à parler la langue des serpents ; cet homme nait alors que le monde d’avant vit ses dernières heures. A cheval entre deux époques, tiraillé entre la vie dans la forêt (amis reptiles, ours séducteurs, élevages de poux géants, si si… il y a des poux géant fort sympathiques dans cette histoire^^) et la toute nouvelle civilisation moyenâgeuse avec sa stricte division en trois ordres, présentée comme le summum du raffinement, notre narrateur cherche sa place… une place qui n’existe plus. Il est le dernier des siens et possède donc ce point de vue si particulier qui appréhende les avantages et surtout les absurdités de chacune de ces époques, de chacun de ces mondes. Une lecture qui dépayse, ose, amuse, interroge, à mettre entre toutes les mains.

Voici également une étonnante série qui m’a accompagnée, ces mois de printemps :

Le Royaume de Pierre d’Angle de Pascale Quiviger

Cette série d’une autrice Québécoise, à destination d’un public jeune adulte (et adulte tout court pour les amateurs et les amatrices), est toujours en cours de publication en France aux éditions du Rouergue ; le quatrième et ultime tome devrait sortir en 2020. C’est une histoire qui m’a surprise : on y découvre une narration simple, qui pourrait paraitre facile, mais dont l’humour léger, enrobé de douceur et d’une touche poétique, séduit. C’est l’histoire du Prince Thibaut qui, alors qu’il revient d’un long périple en mer tombe amoureux d’une étrangère au passé mystérieux. Il emmène cette jeune femme avec lui dans son royaume de Pierre d’Angle, royaume notoirement pacifique dans lequel il fait bon vivre… sauf que Pierre d’Angle cache un secret, un secret douloureux qui n’épargne aucun des personnages de l’histoire et nous entraine, toujours en douceur, toujours avec tact, dans les abysses. J’ai vraiment beaucoup aimé l’évolution inattendue de cette histoire (dont je me languis de connaitre le point final), la galerie des personnages secondaires qui se tisse et ne cesse de s’approfondir. Sous la simplicité apparente de certaines scènes, il y a des gousses de sagesse, de larges filons d’humanité et des pépites d’émotion.

Je ne peux pas parler de mes lectures printanières sans évoquer :

Mers Mortes d’Aurélie Wellenstein

Roman d’imaginaire profondément engagé, Mers Mortes nous embarque dans un univers post-apocalyptique dans lequel les océans ont disparu et reviennent hanter les survivants. Ces marées ectoplasmiques et mortelles charrient dans leur colère les fantômes des animaux marins qui aspirent l’âme des hommes. Seuls les exorcistes savent protéger les petites communautés humaines qui demeurent encore de ces fantômes : Oural est l’un d’entre eux, il consacre sa vie à combattre les marées, jusqu’au jour où il se fait capturer par Bengale, le charismatique capitaine d’un vaisseau fantôme. Bengale le pousse à rebalayer ses croyances et les nôtres : qui est vraiment coupable de la fin du monde d’avant ? Et quelle voie suivre pour une éventuelle rédemption ? Une histoire coup de poing, menée à tambour battant dans un univers à la fois horrifique et tourné vers la beauté de la vie océane, portée par un duo de personnages principaux dont l’alchimie fait des étincelles jusqu’au point final.

On poursuit les belles découvertes avec :

Face au Dragon d’Isabelle Bauthian

(je confesse un amour immodéré pour cette couverture de Qistina Khalidah)

Face au Dragon est publié par les éditions Sillex dont la démarche participative et l’éthique éditoriale sont de celles qu’on a envie de soutenir. C’est un roman vraiment particulier (dans le sens ‘à part’/’différent’ du terme) : son histoire est particulière, son approche de la narration tout autant. Dès les premières pages, on plonge dans les pensées de Polyxène, jeune fille maladroite, introvertie, complexée et très intelligente, qui questionne, étudie, décortique… tout, et arrive souvent, comme elle le dit elle-même, aux bonnes conclusions : ce bouillonnement intérieur, fragile, curieux, insatiable de l’adolescence est vraiment très bien fichu – on est à la fois submergés, amusés et aspirés dans ce puzzle qui se construit, se déconstruit, se recompose à toute vitesse à l’intérieur de Poly – on y ressent bien (et de manière expérientielle) l’incroyable potentiel de l’adolescence et tout ce qui se forge de la personne à ce moment-là de la vie.

Au-delà de la forme narrative employée ici, l’histoire de Face au Dragon possède un goût tout à fait, là aussi, particulier : Poly se retrouve enfermée dans une île très étrange (et même carrément dangereuse) avec quatre autres jeunes gens, venant chacun d’une époque différente. Ensemble, ils vont devoir résoudre ce mystère que constitue l’île et affronter le dragon qui en est le gardien. L’apprivoisement mutuel de ces personnages aux croyances/connaissances divergentes est l’occasion, clairement assumée par l’autrice, de revisiter de nombreuses thématiques sociales, éthiques et toujours d’actualité. Deux choses m’ont particulièrement marquée : ce macro-personnage complexe, inquiétant, omniprésent de l’île qui tisse son cocon intemporel autour de nos cinq protagonistes ; et les personnalités fouillées, parfois très émouvantes, parfois dérangeantes, jamais manichéennes d’Olri, Ménine, Nigel, Simon et Poly.

Une dernière lecture toute fraîche pour la route, mais pas des moindres :

Ces jours qui disparaissent de Timothé Le Boucher

Première lecture de mon tir groupé en librairie, Ces jours qui disparaissent est un roman graphique de 200 pages : palpitant, esthétique, émouvant, terrible et qui se dévore d’une traite – une pépite. Du jour au lendemain, Lubin, la vingtaine, ne se réveille dans son corps qu’une journée sur deux. Une autre personnalité s’inscrit en contrepoint de sa vie jusqu’à prendre de plus en plus de place, de plus en plus de jours. Ce roman met en scène une quête d’identité qui prend aux tripes et questionne en profondeur la matière de ce qui constitue une vie… Ces jours qui disparaissent nous accompagne longtemps après qu’on ait refermé ce très beau livre-objet des éditions Glénat. Je le recommande chaudement à toutes les amatrices et à tous les amateurs de romans graphiques.

Et comme un bon livre n’arrive jamais seul, au printemps 2020, sept nouvelles étoiles se sont inscrites en filigrane de ma PAL des Temps Avenir :

★ – L’éternité n’est pas de trop de François Cheng – cela fait très longtemps que je souhaite découvrir cet auteur dont j’ai entendu beaucoup de bien ; une excursion chez un certain Grand Piou m’a permis de récupérer plusieurs des ouvrages de cet auteur. Je commencerai par celui-là.

★ – Children of Blood and Bone – Legacy of Orïsha de Tomi Adeyemi, un roman de magie empreint de mythologie d’Afrique de l’ouest et de la culture Yoruba que j’aimerais mieux connaitre.

★ – Moi, Peter Pan et Le Livre Jaune de Michael Roch, aux éditions Mü, dont j’ai entendu parler ; c’est un auteur dont je suis curieuse.

★ – Changer l’eau des fleurs de Valérie Perrin, que j’ai eu envie de lire en écoutant une interview de l’autrice lors du Bibliothon organisé par Bulledop.

★ – The Binding de Bridget Collins qui m’a été chaudement recommandé par The Dearest of Them All (et fraîchement arrivé dans mon butin de la semaine passée !)

★ – Le manga L’Atelier des Sorciers de Kamome Shirahama, au sujet duquel mon Vieux Maître préféré ne tarit pas d’éloge (et dont j’ai reçu d’ores et déjà les trois (très beaux) premiers volumes).

★ – Je voudrais également explorer la collection Exprim’ de Sarbacane qui m’intrigue beaucoup au travers de ces quatre romans : Bordeterre de Julia Thévenot, Des astres de Séverine Vidal, Les Petites Reines de Clémentine Beauvais et Falalalalalalalala d’Emilie Chazerand.

Un programme réjouissant en perspective !

Je te laisse sur un rayon de lune et le bruit des pages qui se tourne, chère pousse de séquoia, lumière sur ta journée !

Siècle

Lectures au coin du feu

Belle plongée printanière, chère visiteuse, cher visiteur, jeune pousse de séquoia déterminée à atteindre les étoiles océaniques !

La saison hivernale fut extrêmement fructueuse en lectures de mon côté : j’ai lu autant en ce début de l’année 2020 que durant toute l’année 2019 – et quelle joie de nager dans ces royaumes de mots multiples aussi divers que bariolés ! Je retrouve une souplesse de nage, une capacité de concentration, une facilité de lecture que je n’avais pas connue depuis bien longtemps : je constate par l’expérience que lire est un muscle qui se travaille, s’assouplit, s’entretient… et je vais tâcher de ne pas l’oublier et de pratiquer la lecture avec autant de ferveur que la contemplation de mon jardin !

C’est donc l’occasion d’un petit bilan sur ce blog et je vais zoomer sur six histoires, ou plutôt six univers de conteurs et conteuses qui m’ont enchantée, cet hiver.

Dès les premiers balbutiement de janvier, je me suis émerveillée du travail de Benjamin Lacombe...

J’ai redécouvert les deux Alices au travers des romans graphiques délicieusement illustrés par Benjamin Lacombe. S’y mêlent avec une grande justesse : illustrations de pleines pages, dépliants ingénieux, médaillons à croquer et croquis en noir, blanc et rouge. Les images s’entrelacent aux aventures farfelues d’Alice dans le terrier du lapin blanc avec un sens de l’à-propos et un jeu de réponses qui sert véritablement le texte.

Un plaisir de lecture que j’ai prolongé en acquérant le tout récent Histoires de fantômes du Japon : là encore, un ouvrage exquis à l’ambiance mystérieuse et inquiétante. Ces contes lents, doux et philosophiques ont une manière bien à eux de délivre leur message. J’aime la délicatesse avec laquelle Benjamin Lacombe a su rehausser, colorer, embellir ces contes d’un onirisme aussi esthétique et poétique que subtilement terrifiant.

Enfin, avec l’Artbook Curiosities, j’ai découvert de manière plus globale son travail d’artiste, un travail abondant, fascinant, pétri d’imaginaire et d’une belle gousse de sacré. L’illustration déborde du cadre des livres : pliages alambiqués, réalisation de maquettes en 3D, expositions artistiques où les installations et les décors proposent une plongée immersive par de multiples portes, fenêtres, hublots aux visiteurs-spectateurs : un travail extrêmement inspirant et d’une grande beauté.

Changement de cap avec la lecture de Sorcières de Mona Chollet !

Cet essai réflexif faisait partie de mes résolutions de lectures pour 2020. J’appréhendais un peu, je l’avoue, l’aspect didactique et aride de cette lecture : et pas du tout ! Rien d’aride dans la plume de cette autrice, de la nuance dans le propos tenu, engagé mais pas simpliste. Je l’ai dévoré… J’ai beaucoup aimé la manière à la fois documentée et personnelle dont Mona Chollet partage avec nous ses recherches et réflexions autour de la place du féminin dans nos sociétés, et le lien qu’elle établi avec la figure de la Sorcière et les « chasses aux sorcières » qui, il y a à peine quelques siècles, ont modelé la société d’aujourd’hui. Par une profusion d’exemples concrets et détaillés, cet essai nous amène à réfléchir, considérer, reconsidérer des éléments de notre pensée, du quotidien qui alimentent une structure sociale ou nos schémas propres sans que nous en ayons réellement conscience, ou en tout cas une conscience suffisamment poussée. Une lecture qui fait cogiter, qui questionne et que je recommande chaudement.

Nouveau changement de paradigme avec la série de fantasy d’Andrzej Sapkowski… j’ai lu les huit tomes du Sorceleur/The Witcher et c’était trop bien !

Je ne connaissais pas l’histoire, même si j’avais entendu parler des jeux vidéos et la découverte de la série télévisée a donc constitué ma première plongée dans l’univers créé par cet auteur polonais, une plongée qui m’a donné l’immédiate envie de découvrir les livres à la base de l’histoire. Et je n’ai pas été déçue du voyage, au contraire : une série de fantasy très très chouette, avec beaucoup d’humour et des personnages fouillés, incisifs et touchants (et chose pas si fréquente, des personnages féminins magnifiques : des femmes puissantes, terrifiantes, érudites, émouvantes et complexes – jubilatoire, vraiment). Andrzej Sapkowski aborde au fil des tomes des tonnes de questions humaines et profondes, actuelles et épineuses, qui sont traitées avec finesse par les péripéties, les choix et le cheminement des multiples personnages… qui n’ont rien de manichéen. Bref, un bouquin génial.

Autre destination avec deux lectures merveilleuses que je voulais absolument découvrir en 2020 : Les sept nuits de la Reine et Derniers fragments d’un long voyage de Christiane Singer.

Difficile de trouver les mots pour décrire la puissance de ces écrits-là : ce sont des perles de vie, du vibrant, du sacré, dont la profondeur est portée par une plume incroyablement précise et poétique. Ces deux lectures bouleversantes me donnent l’impérieuse envie de lire tout ce que Christiane Singer a écrit – nectar des nectars !

Je vous mets un petit extrait pour le plaisir :

« Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d’eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond : je suis médecin, je suis comptable… j’ajoute doucement : vous me comprenez mal. Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ? Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu’ils sont à ne pas attribuer d’importance à la vie qui bouge doucement en eux. On me dit : je suis médecin ou comptable mais rarement: ce matin, quand j’allais pour écarter le rideau, je n’ai plus reconnu ma main… ou encore : je suis redescendu tout à l’heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j’y avais jetées la veille ; je crois que je les aime encore… ou je ne sais quoi de saugrenu, d’insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger. Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?
Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l’exact périmètre de l’insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles. Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l’âge, ni le métier, ni la situation familiale ; j’ose prétendre que tout cela m’est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau. Ce que je veux savoir, c’est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d’être séparé de l’Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l’enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n’être pas tout sur cette terre. Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux : ce qu’une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions ! Je veux savoir ce qu’ils perçoivent de l’immensité qui bruit autour d’eux. Et j’ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd’hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l’immensité du monde créé. Mais ce dont j’ai plus peur encore, c’est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre. »

« Lettre à un ami » – Les sept nuits de la Reine, Christiane Singer

On poursuit les découvertes avec les deux albums jeunesse de Laura Nsafou, illustrés par Barbara Brun : Comme un million de papillons noirs et Le chemin de Jada.

Deux albums d’une grande douceur aux lumineuses et chaleureuses illustrations, qui nous parlent de diversité, de colorisme et d’amour de soi. Les héroïnes de ces contes sont des petites filles noires qui souffrent de leur différence et vont apprendre à apprécier pour l’une la beauté de sa chevelure crépue et, pour l’autre, la teinte sombre de sa peau : des messages de bienveillance et de tolérance qui éveillent le cœur à la richesse de toute la palette des corps, des formes et des couleurs.

Enfin, un mot sur le dernier roman d’Audrey Alwett : Magic Charly !

Un roman jeunesse frais, bourré d’inventivité et d’humour, avec des personnages optimistes à la pétillance contagieuse. Moi qui suis une grande adepte de la pioupioutitude, j’ai été conquise par la grande gentillesse de Charly – on a besoin de personnages super gentils, ça fait beaucoup de bien ! Requinquant et drôle, Magic Charly se lit à tous les âges, car nous avons tous besoin de manger d’épaisses tranches de merveilleux, de fréquenter d’adorables serpillères et de saupoudrer notre vie de sucrétincelle, à consommer sans modération !

Et comme souvent lorsqu’on se plonge dans le monde des livres et que l’on s’acharne à faire descendre sa PAL (pile à lire pour les intimes), de nouveaux ouvrages, hop, se glissent en dessous de ladite pile déjà chancelante.

Voici donc six histoires qui ont rejoint ma PAL depuis le début de l’année et que j’aimerais découvrir en 2020 (ou presque^^) :

★ – La main gauche de la nuit d’Ursula Le Guin, dont my wonder agent m’a dit le plus grand bien.

★ – La trilogie Le Royaume de Pierre d’Angle de Pascale Quiviger, dont j’ai lu d’excellentes critiques sur le net.

★ – Le chevalier à l’armure rouillée de Robert Fisher, que deux personnes chères à mon cœur m’ont vivement conseillé et qui trône désormais dans mon étagère – il est bien temps de m’en régaler !

★ – Les quatre tomes du Cantos d’Hypérion de Dan Simmons qui m’ont été recommandés par un Vieux Maître que je tiens en haute estime.

★ – Le Prieuré de l’Oranger de Samantha Shannon qui fait beaucoup parler de lui et dont je suis fort curieuse.

★ – 8848 mètres de Silène Edgar dont j’ai suivi l’émouvant cheminement intérieur et que je me réjouis très fort de découvrir prochainement.

De superbes voyages dans le monde des histoires en perspective, j’en suis bondissante et tourbillonnante, très chère pousse de séquoia !

Et en ces temps où nous avons le temps, je te laisse en compagnie d’une vidéo documentaire en libre accès pour un petit moment sur le bonheur et sa recherche… on ne sait jamais, peut-être qu’elle nourrira tes cellules de joyeuses idées et de réjouissantes perspectives !

Lumière sur ta journée et sérénité dans ton cœur,

Siècle