Lectures au coin du feu

Belle plongée printanière, chère visiteuse, cher visiteur, jeune pousse de séquoia déterminée à atteindre les étoiles océaniques !

La saison hivernale fut extrêmement fructueuse en lectures de mon côté : j’ai lu autant en ce début de l’année 2020 que durant toute l’année 2019 – et quelle joie de nager dans ces royaumes de mots multiples aussi divers que bariolés ! Je retrouve une souplesse de nage, une capacité de concentration, une facilité de lecture que je n’avais pas connue depuis bien longtemps : je constate par l’expérience que lire est un muscle qui se travaille, s’assouplit, s’entretient… et je vais tâcher de ne pas l’oublier et de pratiquer la lecture avec autant de ferveur que la contemplation de mon jardin !

C’est donc l’occasion d’un petit bilan sur ce blog et je vais zoomer sur six histoires, ou plutôt six univers de conteurs et conteuses qui m’ont enchantée, cet hiver.

Dès les premiers balbutiement de janvier, je me suis émerveillée du travail de Benjamin Lacombe...

J’ai redécouvert les deux Alices au travers des romans graphiques délicieusement illustrés par Benjamin Lacombe. S’y mêlent avec une grande justesse : illustrations de pleines pages, dépliants ingénieux, médaillons à croquer et croquis en noir, blanc et rouge. Les images s’entrelacent aux aventures farfelues d’Alice dans le terrier du lapin blanc avec un sens de l’à-propos et un jeu de réponses qui sert véritablement le texte.

Un plaisir de lecture que j’ai prolongé en acquérant le tout récent Histoires de fantômes du Japon : là encore, un ouvrage exquis à l’ambiance mystérieuse et inquiétante. Ces contes lents, doux et philosophiques ont une manière bien à eux de délivre leur message. J’aime la délicatesse avec laquelle Benjamin Lacombe a su rehausser, colorer, embellir ces contes d’un onirisme aussi esthétique et poétique que subtilement terrifiant.

Enfin, avec l’Artbook Curiosities, j’ai découvert de manière plus globale son travail d’artiste, un travail abondant, fascinant, pétri d’imaginaire et d’une belle gousse de sacré. L’illustration déborde du cadre des livres : pliages alambiqués, réalisation de maquettes en 3D, expositions artistiques où les installations et les décors proposent une plongée immersive par de multiples portes, fenêtres, hublots aux visiteurs-spectateurs : un travail extrêmement inspirant et d’une grande beauté.

Changement de cap avec la lecture de Sorcières de Mona Chollet !

Cet essai réflexif faisait partie de mes résolutions de lectures pour 2020. J’appréhendais un peu, je l’avoue, l’aspect didactique et aride de cette lecture : et pas du tout ! Rien d’aride dans la plume de cette autrice, de la nuance dans le propos tenu, engagé mais pas simpliste. Je l’ai dévoré… J’ai beaucoup aimé la manière à la fois documentée et personnelle dont Mona Chollet partage avec nous ses recherches et réflexions autour de la place du féminin dans nos sociétés, et le lien qu’elle établi avec la figure de la Sorcière et les « chasses aux sorcières » qui, il y a à peine quelques siècles, ont modelé la société d’aujourd’hui. Par une profusion d’exemples concrets et détaillés, cet essai nous amène à réfléchir, considérer, reconsidérer des éléments de notre pensée, du quotidien qui alimentent une structure sociale ou nos schémas propres sans que nous en ayons réellement conscience, ou en tout cas une conscience suffisamment poussée. Une lecture qui fait cogiter, qui questionne et que je recommande chaudement.

Nouveau changement de paradigme avec la série de fantasy d’Andrzej Sapkowski… j’ai lu les huit tomes du Sorceleur/The Witcher et c’était trop bien !

Je ne connaissais pas l’histoire, même si j’avais entendu parler des jeux vidéos et la découverte de la série télévisée a donc constitué ma première plongée dans l’univers créé par cet auteur polonais, une plongée qui m’a donné l’immédiate envie de découvrir les livres à la base de l’histoire. Et je n’ai pas été déçue du voyage, au contraire : une série de fantasy très très chouette, avec beaucoup d’humour et des personnages fouillés, incisifs et touchants (et chose pas si fréquente, des personnages féminins magnifiques : des femmes puissantes, terrifiantes, érudites, émouvantes et complexes – jubilatoire, vraiment). Andrzej Sapkowski aborde au fil des tomes des tonnes de questions humaines et profondes, actuelles et épineuses, qui sont traitées avec finesse par les péripéties, les choix et le cheminement des multiples personnages… qui n’ont rien de manichéen. Bref, un bouquin génial.

Autre destination avec deux lectures merveilleuses que je voulais absolument découvrir en 2020 : Les sept nuits de la Reine et Derniers fragments d’un long voyage de Christiane Singer.

Difficile de trouver les mots pour décrire la puissance de ces écrits-là : ce sont des perles de vie, du vibrant, du sacré, dont la profondeur est portée par une plume incroyablement précise et poétique. Ces deux lectures bouleversantes me donnent l’impérieuse envie de lire tout ce que Christiane Singer a écrit – nectar des nectars !

Je vous mets un petit extrait pour le plaisir :

« Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d’eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond : je suis médecin, je suis comptable… j’ajoute doucement : vous me comprenez mal. Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ? Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu’ils sont à ne pas attribuer d’importance à la vie qui bouge doucement en eux. On me dit : je suis médecin ou comptable mais rarement: ce matin, quand j’allais pour écarter le rideau, je n’ai plus reconnu ma main… ou encore : je suis redescendu tout à l’heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j’y avais jetées la veille ; je crois que je les aime encore… ou je ne sais quoi de saugrenu, d’insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger. Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?
Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l’exact périmètre de l’insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles. Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l’âge, ni le métier, ni la situation familiale ; j’ose prétendre que tout cela m’est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau. Ce que je veux savoir, c’est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d’être séparé de l’Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l’enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n’être pas tout sur cette terre. Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux : ce qu’une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions ! Je veux savoir ce qu’ils perçoivent de l’immensité qui bruit autour d’eux. Et j’ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd’hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l’immensité du monde créé. Mais ce dont j’ai plus peur encore, c’est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre. »

« Lettre à un ami » – Les sept nuits de la Reine, Christiane Singer

On poursuit les découvertes avec les deux albums jeunesse de Laura Nsafou, illustrés par Barbara Brun : Comme un million de papillons noirs et Le chemin de Jada.

Deux albums d’une grande douceur aux lumineuses et chaleureuses illustrations, qui nous parlent de diversité, de colorisme et d’amour de soi. Les héroïnes de ces contes sont des petites filles noires qui souffrent de leur différence et vont apprendre à apprécier pour l’une la beauté de sa chevelure crépue et, pour l’autre, la teinte sombre de sa peau : des messages de bienveillance et de tolérance qui éveillent le cœur à la richesse de toute la palette des corps, des formes et des couleurs.

Enfin, un mot sur le dernier roman d’Audrey Alwett : Magic Charly !

Un roman jeunesse frais, bourré d’inventivité et d’humour, avec des personnages optimistes à la pétillance contagieuse. Moi qui suis une grande adepte de la pioupioutitude, j’ai été conquise par la grande gentillesse de Charly – on a besoin de personnages super gentils, ça fait beaucoup de bien ! Requinquant et drôle, Magic Charly se lit à tous les âges, car nous avons tous besoin de manger d’épaisses tranches de merveilleux, de fréquenter d’adorables serpillères et de saupoudrer notre vie de sucrétincelle, à consommer sans modération !

Et comme souvent lorsqu’on se plonge dans le monde des livres et que l’on s’acharne à faire descendre sa PAL (pile à lire pour les intimes), de nouveaux ouvrages, hop, se glissent en dessous de ladite pile déjà chancelante.

Voici donc six histoires qui ont rejoint ma PAL depuis le début de l’année et que j’aimerais découvrir en 2020 (ou presque^^) :

★ – La main gauche de la nuit d’Ursula Le Guin, dont my wonder agent m’a dit le plus grand bien.

★ – La trilogie Le Royaume de Pierre d’Angle de Pascale Quiviger, dont j’ai lu d’excellentes critiques sur le net.

★ – Le chevalier à l’armure rouillée de Robert Fisher, que deux personnes chères à mon cœur m’ont vivement conseillé et qui trône désormais dans mon étagère – il est bien temps de m’en régaler !

★ – Les quatre tomes du Cantos d’Hypérion de Dan Simmons qui m’ont été recommandés par un Vieux Maître que je tiens en haute estime.

★ – Le Prieuré de l’Oranger de Samantha Shannon qui fait beaucoup parler de lui et dont je suis fort curieuse.

★ – 8848 mètres de Silène Edgar dont j’ai suivi l’émouvant cheminement intérieur et que je me réjouis très fort de découvrir prochainement.

De superbes voyages dans le monde des histoires en perspective, j’en suis bondissante et tourbillonnante, très chère pousse de séquoia !

Et en ces temps où nous avons le temps, je te laisse en compagnie d’une vidéo documentaire en libre accès pour un petit moment sur le bonheur et sa recherche… on ne sait jamais, peut-être qu’elle nourrira tes cellules de joyeuses idées et de réjouissantes perspectives !

Lumière sur ta journée et sérénité dans ton cœur,

Siècle

2 commentaires sur “Lectures au coin du feu

  1. Aemarielle dit :

    Un grand merci pour ces recommandations, ma chère Siècle ! Tu m’as donné envie de découvrir le Sorceleur, appuyée par Florie qui en disait du bien dans une de ses vidéos. J’espère que tu cocoones tranquille et que tout va bien pour toi <3

    • Siècle Vaëlban dit :

      Merci, ma chère Aemarielle, et ravie si tu as l’envie de découvrir ‘le Sorceleur’ qui me semble en effet susceptible de te plaire ! Excellent cocoonage créatif à toi également. <3

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