Tricoter des histoires, oui mais pour qui ?

Chère visiteuse, noble visiteur, jeune pousse de séquoia,

J’espère que tu esquisses un pas de danse sous la chaleureuse lumière d’hiver que j’aime tant, celle qui chatouille et nimbe d’or les branches dénudées des arbres.

J’inaugure, aujourd’hui, une série d’articles (ou un article un peu long en trois parties), que je posterai courant février autour de la question suivante : Quelles histoires raconter ? Quelles thématiques exploiter, entrefiler, insuffler dans nos récits ? Pour qui écrivons-nous et pour semer quoi ?

Tricoter des histoires, c’est comme tricoter des papillons
Image par cocoparisienne de Pixabay

Lorsque j’ai rafraichi la mouture de ce site web, au printemps dernier, Florieteller (artiste et écrivaine délicieusement optimiste) m’a prêté son œil d’experte en communication. Elle m’a ainsi suggéré d’ajouter un encart sur le « genre d’histoires que j’écrivais » – encart que j’ai depuis concocté ici : Siècle, qu’écris-tu ?

Cette suggestion pertinente m’a ramenée, zou, tout droit à ce vaste questionnement que je partage avec bien d’autres de mes condisciples : « Au fond, qu’est-ce que je veux écrire ? » C’est ce questionnement (évidemment subjectif et teinté de mon expérience personnelle) que j’ai décidé d’éplucher plus en détail dans cet article.

« The Darling Project » – une création inconsciente ?

On pourrait (à première vue) se dire qu’on écrit l’histoire qui se présente à nous sans remettre en cause les archétypes, les thématiques, les messages qu’elle charrie dans son sillage… et je crois que c’est particulièrement vrai (ce le fut en tout cas pour moi) lorsque « The Darling Project » (la première grande histoire) frappe à notre porte, lorsque l’on noue avec cette inconnue si familière une relation (que dis-je, une alliance !) aussi passionnée qu’aveuglante.

(Salutations « Darling Project », puisses-tu encore roupiller quelques années au fond du tiroir pour te défaire de tes anciennes scories. Ensuite, on pourra reparler.)

« The Darling Project » – cette vieille histoire qui nous hante
Image par Michal Jarmoluk de Pixabay

« The Darling Project » recèle… tout. Tout ce qui nous habite, ce que nous avons vécu jusque-là, ce qui nous semble important. Les premiers personnages, intrigues et décors qui apparaissent sous notre plume s’imprègnent de nos croyances (conscientes ou inconscientes), de notre éducation, de nos stéréotypes, des éléments culturels, artistiques, sociaux qui nous ont marqués et qui rejaillissent, pêle-mêle, sous leur forme brute au cours de l’écriture.

Puis déraboulent les retours critiques des bêta-lectrices et des bêta-lecteurs (ces créatures géniales dont je chante les louanges sur le blog en anglais), suivis de multiples phases de correction, ou de réécritures, et puis… et puis on apprend à décortiquer, à prendre du recul, à analyser, et on en vient à questionner les thématiques portées par son histoire… et de manière élargie, les thématiques des histoires que l’on écrit ou que l’on souhaite écrire.

Arrivée à ce moment précis, j’ai constaté chez moi une ambivalence sur ces questions. Trois interrogations successives ont émergé de ma tambouille réflexive.

« Première Interrogation » – J’écris. Soit. Mais pour qui et pour quoi ?

Est-ce que j’écris pour me comprendre moi-même, ou pour communiquer avec d’autres ? L’écriture est-elle un procédé d’autoréflexion (une forme d’expression de soi à portée thérapeutique, une exploration des thématiques qui nous fascinent, une projection de son inconscient) ? Ou bien suis-je le créateur, la créatrice, d’une tapisserie à l’intention d’autrui, tapisserie dans laquelle je tisse ce que je veux communiquer ? Et faut-il « choisir » ? L’écriture ne peut-elle pas remplir ces deux objectifs en même temps ?

(NB : quand je parle ici de « choisir », je ne pense pas à un choix intellectuel, imposé par la rationalité, mais au discernement de notre volonté profonde qui se noie parfois sous les couches du « devoir ou de la « croyance ». On pourrait plus justement utiliser le terme « ressentir »)

Choisis, Siècle !
Image par Oberholster Venita de Pixabay

J’imagine que la réponse varie selon les auteurs et les autrices. En ce qui me concerne, j’ai eu l’impression d’arriver à un embranchement net : il me fallait « choisir/ressentir » (non pas tout l’un ou tout l’autre), mais quel embranchement prioriser, qu’est-ce que je voulais d’abord accomplir avec mes histoires. Si l’écriture était un jeu de miroirs dans lequel je jouais à cache-cache avec moi-même, alors l’intuition était reine, l’inconscient roi, pour le meilleur et pour le pire : tout était possible et bienvenu puisque j’explorais un royaume sans invités, celui de mes multiples reflets.

Mais voilà, mon envie première/mon choix intuitif profond était de communiquer (ce qui n’empêche en rien le dialogue avec soi-même au travers de l’écriture, bien au contraire) : j’écris des histoires… parce que je veux partager des idées, des cheminements de personnages, des perspectives spécifiques avec mon lecteur et ma lectrice. Je veux évoquer certaines énergies, des paires de lunettes multicolores, des possibilités congrues et incongrues.

La porte des possibles
Image par Schmidsi de Pixabay

A contrario, il y a des idées ou des ambiances que je ne souhaite pas aborder. Il y a des personnages que je porte en moi (ou que je rencontre dans d’autres histoires) qui me touchent et que j’affectionne, mais le message qu’ils délivrent n’est pas celui dont je veux parler ou dont je souhaite que mes personnages se fassent les « porte-paroles »

Ce qui m’amène à la seconde part de ma réflexion. Quelles sont les énergies, les thématiques et les personnages que je souhaite mettre en scène dans mes histoires ? Et pourquoi ? Ce sera le sujet de la deuxième partie de cet article, à venir bientôt sur le blog.

D’ici là, chatoyante visiteuse, scintillant visiteur, je te souhaite une dégustation sans modération de ces délicieuses minutes hivernales.

Lumière sur ta journée,

Siècle

6 commentaires sur “Tricoter des histoires, oui mais pour qui ?

  1. Roanne dit :

    Ah, les raisons qui nous poussent à tricoter… non seulement elles sont nombreuses, mais en plus elles sont changeantes. Découvrir ce qui porte l’inspiration d’un auteur ou d’une autrice, c’est à la fois enrichissant et assez intime. ;)

  2. Coucou ! Moi, j’ai un élément de réponse à ta question qui me vient de ma propre expérience d’autrice d’un côté… et de lectrice de tes textes de l’autre.
    Lorsque j’ai publié mon premier livre, j’ai cherché à trouver des gens « comme moi », des gens qui aimeraient ce que j’aimais et avec qui je pourrais partager mes mots. Alors oui, je les ai trouvés et ça, c’est vraiment GÉNIAL en soi…
    Mais surtout, et je m’en suis aperçue en lisant tes textes qui, à la base, n’étaient pas nécessairement dans mes thématiques mais que j’ai absolument adorés. Lorsqu’on écrit, lorsqu’on donne des mots, des histoires toute une communauté de personnes insoupçonnées s’en emparent et éprouvent de l’émotion. Ces émotions que l’on donne, c’est un vrai trésor. Elles nous nourrissent, elles nous font du bien (lecteurs et auteurs).
    Bref, continue à écrire, tes merveilleux trésors, ma chère Siècle, il me tarde de les lire dans un livre !

    • Siècle Vaëlban dit :

      Tu es adorable, ma chère Nathalie, merci pour ton soutien et pour ton partage d’expérience : je me souviens de cet article où tu parlais de « trouver les personnes avec qui nos histoires entrent en résonance ». Et je crois que l’un n’est pas exclusif de l’autre, nos histoires peuvent à la fois rencontrer des lecteurs et lectrices qui s’y intéressent naturellement et toucher une communauté insoupçonnée – c’est un peu la magie des mots.^^

  3. domi dit :

    Alors, pour ma part, je suis incapable de savoir pourquoi j’écris et pour qui. Aucune idée. C’est juste une obsession de toujours qui remonte à l’adolescence où j’ai pondu mes premières nouvelles. J’écris peut-être pour ne pas disparaître, laisser quelque chose derrière moi. Une trace de main sur une paroi de grotte. Et l’intention ? Cela dépend. En général, juste apporter un peu d’évasion. Parfois ouvrir mon cœur, ça arrive aussi. Mais rarement, parce que je n’ai pas si souvent que ça envie de le faire.

    • Siècle Vaëlban dit :

      Je comprends tout à fait ce « mystère » entourant « l’envie/le besoin/la volonté d’écrire » que tu évoques ici, ma chère Domi, merci pour tes mots. <3

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